Yvon Bourrel, « In memoriam » (forgotten records) – 4/4

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Quatrième du disque

 

Dernier volet des mélanges offerts à la mémoire d’Yvon Bourrel, la Suite pour deux clavecins op. 122. Elle fait écho, pour les intimes, aux relations du compositeur avec la famille Poinsignon. Pour eux et pour les autres (nous, donc), elle s’articule en un prélude et deux mouvements.
Le prélude joue sur la tension entre la brièveté du son émis par la corde pincée (qui plus est quand elle volette autour d’une trille) et la résonance des graves tenus. Le dialogue, d’une grande lisibilité, joue sur la complémentarité

  • des touchers,
  • des phrasés et
  • des couleurs projetées sur les duettistes par les modulations.

Quoique résolument tonal, le prélude se dévergonde avec quelques dissonances qui ravivent l’intérêt de l’écoute. La sarabande, plutôt mélancolique, travaille

  • les différences de registres,
  • l’opposition entre
    • allant,
    • pesanteur et
    • suspension, ainsi que
  • le mélange
    • de sensation de stagnation,
    • d’impression d’épuisement concentrée dans les ritendi, et
    • d’envie de connaître la suite que suscite la répétition obsessionnelle de motifs davantage rythmiques que mélodiques.

La valse finale s’ouvre sur un prologue, puis Nadège Legay-Zimmermann et Eulalie Poinsignon croisent le fer entre

  • pulsation des accords,
  • feston des aigus tournoyants et
  • questions-réponses associant les deux acolytes.

Comme pour la sarabande, le dernier mouvement semble à plusieurs reprises sur le point de s’éteindre avant de s’étendre dans un sursaut vital… qui ne tarde cependant pas à s’épuiser. Pour le finale, Yvon Bourrel

  • demande aux interprètes d’étouffer les cordes,
  • copie-colle le thème principal une dernière fois et
  • exige à nouveau l’assèchement des cordes.

Ainsi se dessine une musique qui fait

  • de la simplicité apparente un argument majeur de séduction,
  • de la revendication d’un néoclassicisme une interrogation sur la  substantifique moelle de la création musicale contemporaine, et
  • de l’immédiate accessibilité des œuvres une posture reliant fraternellement compositeur et auditeur.

Certes, le résultat peut parfois donner l’impression que le projet artistique ne décolle pas autant que l’on en eût rêvé, au point de s’en tenir à une proposition souvent plus proprette que soufflante. Toutefois, il est loisible de se demander si une telle frustration n’est pas constitutive de la musique d’Yvon Bourrel. Celle-ci ne prétend pas ébaubir le clampin par des marques de génie autoproclamées. Bien plutôt, elle aspire à dévoiler à l’auditeur les attraits d’une modernité moins tempérée qu’injectée à petites doses dans la tradition de ce que fut, longtemps, la musique savante. Et si, pour les créateurs, être agréable sans être anodin n’était pas un défi si suranné que d’aucuns seraient tentés de le laisser accroire ?


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