Yury Revich, « Beyond the Seasons », Salle Cortot, 10 janvier 2025 – 2/2

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Yuri Revich et Guillaume Vincent à la salle Cortot (Paris 8), le 10 janvier 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

Après les deux premières surprises ménagées par la première partie, la seconde mi-temps du concert parisien de Yuri Revich en propose d’emblée deux nouvelles. D’une part, pas d’entracte, la demi-heure de retard liminaire ayant sans doute contraint à cette accélération. Ensuite, point de Premier prélude de Yuri Revich pour lancer le bal, mais la Pavane de Gabriel Fauré. On y apprécie

  • l’allant et la netteté du piano, derrière lequel se trouve cette fois Guillaume Vincent,
  • la chaleur et la polymorphie sonore du violon, ainsi que
  • l’étrangeté de l’idée qui consiste à ajouter une danseuse – en l’espèce Audrey Freeman – au duo,

même si l’intérêt de l’initiative nous échappe, les mouvements gracieux de la svelte dame ayant plutôt tendance à nous distraire de la musique qu’à nous ébaubir. Placé en sandwich, le Premier prélude de Yuri Revich, originellement pour violon et orchestre, n’est donc plus un prélude, mais un interlude. C’est curieux car il assume son titre avec une mise en place progressive de la dynamique musicale. Bientôt, il prend la bretelle qui conduit à l’autoroute du motorisme et, selon la stratégie coutumière au violoniste, fait permuter les rôles du soliste et de l’accompagnement. Des attaques de virtuosité visant à produire de grands effets secouent la cellule matricielle répétée à l’envi.
Après que le soliste a causé en anglais (propos à peu près inintelligibles quand on a posé ses fesses au balcon), voici les dernières saisons de la soirée : les Estaciones porteñas d’Astor Piazzolla. Dès l’été, mouvement composé en 1965 (contrairement aux autres, datant de 1969-1970) pour un tout autre propos, le compositeur et ses porte-voix – violon, violoncelle, piano – nous partagent une partition brillante où le rythme s’enrichit de multiples possibles :

  • accents,
  • contrastes,
  • différenciation des attaques et
  • énergie des contretemps.

En contrepoint, le lyrisme fait assaut de ses charmes, auxquels Krzystof Michalski ajoutent ceux d’un violoncelle affriolant :

  • tenues langoureuses,
  • savoureux effets d’attente,
  • suspensions précieuses.

Bien qu’il n’ait été formé que quelques jours auparavant, le trio parvient à démontrer une riche expressivité musicale, grâce à son sens

  • du tempo,
  • du phrasé,
  • de la nuance et
  • de l’écoute réciproque.

 

Audrey Freeman, Yuri Revich, Krzysztof Michalski et Tristan Pfaff à la salle Cortot (Paris 8), le 10 janvier 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

Salués par des applaudissements inopportuns mais enthousiastes, Yuri Revich et ses comparses attaquent l’automne en confirmant leur patent désir de faire musique ensemble.

  • Le violoncelle donne aux sanglots longs de la saison sa langueur à la fois monotone et particulière ;
  • le solo du violon en dévoile quelques mystères supplémentaires ; et
  • le piano apporte sa pulsation, implacable mais mutante.

Pendant les applaudissements, Chouchou, la jeune Antillaise traînée ici par un presque vieux qui nous jouxte, décroche définitivement – ils avaient prévu de s’esquiver à l’entracte. Buenos Aires, c’est pas son truc. Heureusement, ses SMS et ses messages WhatsApp la captivent totalement au moment où, sur scène, Guillaume Vincent s’empare d’un solo de piano

  • habilement pédalisé,
  • nuancé et
  • posé.

La réponse du violon sait allier délicatesse et rigueur, tandis qu’une marche harmonique descendante donne presque un faux air de « Folia » à la coda. De son côté Chouchou suçote bruyamment des bonbons en secouant son sac à main. Encore heureux qu’elle n’a plus qu’une saison à subir ! Le printemps fait fleurir dans la partition

  • énergie,
  • permutations rythmiques et
  • changements d’atmosphère.

On y goûte

  • çà un solo de violoncelle accompagné par le piano,
  • là une reprise du thème orné par le violon et, pour finir,
  • un regain de vivacité qui permet à Yuri Revich de mettre de la pétillance dans les yeux de ses fans.

Chouchou et son monsieur s’empressent de décarrer avant le encore pourtant généreux qu’offrent Yuri Revich et Guillaume Vincent. La rhapsodie sur les grands airs de Carmen permet d’apprécier une dernière fois la virtuosité impressionnante de la vedette et l’élégance assurée du piano de Guillaume Vincent. Le triomphe que fait aux artistes la salle pleine (moins Chouchou et son presque vieux, donc) témoigne de l’efficacité du projet Revich !