Utopie, 25 juin 2023
Madame la présidente de séance, chers collègues, chers spectateurs,
Je vous remercie de m’accueillir dans ce prestigieux colloque sur « Vivre ou survivre, pourquoi, comment et qu’est-ce qu’il y a de neuf sur Amazon Prime ce soir ? ». Permettez-moi de commencer cette très brève allocution par une grande vérité qui aurait sans doute eu plus de gueule en latin, mais je suis une bille en latin, je ne sais même pas comment on dit « une bille » dans cette langue – le fait que je m’en tampiponne le bibobéchon peut jouer sur mon ignorance, a minima à la marge. Voici ma grande vérité pas en latin. Vous l’allez l’ouïr, rien de révolutionnaire, rassurez-vous, et sans doute rien de nouveau car nul n’est censé ignorer l’évidence. Or, c’est une évidence que d’affirmer : nous vivons dans un monde de chougne.
À tort ou à raison, parfois les deux, nous sommes amenés à nous plaindre de tout, de rien, de n’importe quoi, des autres et du reste, soit pour gagner notre croûte, soit pour ne pas la perdre, soit pour nous occuper parce que, pardi, on ne peut pas passer son temps à l’opéra ou au Collège de France à écouter Bernard-Henri Lévy. Partant, il m’a semblé pertinent de proposer, à l’occasion de cette allocution dont la brièveté sera sans doute la plus belle qualité, quelques éléments de stratégie pour avoir la mine basse.
Il serait tout à fait superfétatoire de stipuler, devant une assemblée aussi prestigieuse – qui, du reste, n’a pas de leçon à recevoir, mes collègues autour de cette table en témoigneront sur l’art de faire la gueule – pourquoi la mine basse est essentielle dans notre survie. C’est évidemment une super excuse pour ne pas avoir bossé, pour ne pas bosser, et pour continuer à ne pas bosser. C’est une manière de susciter plus que la compassion : l’intérêt voire l’admiration d’autrui – survivre la mine basse paraîtra toujours davantage admirable que survivre en ayant un smile à éblouir le soleil. C’est enfin un prétexte en béton pour être invité au troquet du coin par une ribambelle de bonnes âmes ravies de trouver un prétexte pour boire des coups et, ne jouons pas les naïfs, « remonter le moral à l’autre con » est sans doute le number one de ces prétextes, et il n’est pas prêt d’abandonner sa place au plus haut du podium.
D’ailleurs, le temps qui m’a été si généreusement imparti est quasi terminé – notez que j’ai tout de même choisi de prononcer « qu-a-zi », je sais m’tenir, merde. Plutôt que de nous casser la nénette à poser des questions qui voudront avoir l’air plus intelligentes que la réponse des conférenciers, je vous propose, chers auditeurs, chère madame la présidente, chers tutti quanti, de nous retrouver sans tarder autour d’un pot, d’un vrai pot, d’un pot de punch, par exemple, pas des Thermos de café froid avec des mini-viennoiseries dégueulasses que l’on mange pour ne pas dire à ses interlocuteurs, puisqu’on ne parle pas la bouche pleine, qu’ils sont décidément très stupides. Ce sera l’occasion d’arrêter d’avoir la mine basse pour quelques minutes. Je vous remercie pour votre attention, et à la vôtre, khey !