Orchestre Colonne, Théâtre des Champs-Élysées, 26 mai 2016
C’est l’histoire d’un malentendu bien réjouissant. Je venais applaudir Diana Damrau. Sans le savoir, je vins un jour trop tôt. Je passai les contrôles à l’entrée du TCE. Personne ne s’opposa à mon intrusion. Par chance, personne ne squattait mon siège du lendemain soir. Je m’étonnai que la salle fût si peu pleine pour entendre Lucia di Lamermoor avec une telle vedette. En fait, je venais assister à un concert de l’Orchestre Colonne. Quand Tout un monde lointain commença, je compris qu’il y avait eu maldonne ; mais, quand je vins me dénoncer à la mi-temps, la sécurité m’autorisa à rester en seconde partie de soirée. Chic, c’était la meilleure.
Le concert s’ouvre par le concerto pour violoncelle de Henri Dutilleux. Nous étions sceptiques quand nous l’entendîmes la première fois en vrai ; nous le resterons. La tendance du soliste, Sung-Won Yang, à jouer à la limite de la justesse de façon à chercher la note la plus pertinente contribue à désarçonner l’oreille. La dilatation des espaces sonores, le manque volontaire de tension dramatique, l’absence d’accidents narratifs, tout cela est sans doute sublime mais, pour l’auditeur que nous sommes, un brin lassant. (Je sais, Dutilleux est un Intouchable, mais c’est la deuxième fois que, bof, même s’il est vrai que le bis Bach ne permet pas davantage d’être séduit par le soliste…)
Après l’entracte, la brillante Suite n°2 sur Bacchus et Ariane d’Albert Roussel décoiffe. Tout sonne juste, contrasté, nuancé, séduisant. L’orchestre est attentif à la direction précise de Laurent Petitgirard, et celui-ci le transcende. Ici, plus de petit ensemble, pas de chef de seconde zone. Énergie, émotion, ironie, tension, rythme, la palette du compositeur est remarquablement servie. Après le départ de la célestitste (?), la Valse de Maurice Ravel qui conclut ce concert à la fois tout public et exigeant achève d’impressionner. Peut-être moins emportée dans son finale que l’on aurait pu imaginer, elle n’en reste pas moins remarquablement menée, avec cohérence, vitalité, respect des solistes (ici, chaque pupitre a droit à ses applaudissements) et force de l’orchestre – même si l’ensemble est grevé par l’hypocrisie de Laurent Petitgirard (amusant « ce n’est pas parce que la Valse est libre de droits depuis quelques semaines qu’on la joue », moins amusant « la SACEM nous soutient avec force » alors que lui-même est président du conseil d’administration de la SACEM depuis 2011, explicite le programme).
Une prestation qui mérite des bravos pour l’association entre composition quasi contemporaine et classiques qui font zizir, mais surtout pour une seconde partie remarquable… selon une tradition que nous avions constaté en 2013.