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A l'extrême gauche, Luc Héry. A droite, Martin Fröst et David Zinman. Photo : Josée Novicz.

A l’extrême gauche, Luc Héry. A droite, Martin Fröst et David Zinman. Photo : Josée Novicz.

Quatre compositeurs en une heure et demie : tel est le programme de l’Orchestre national de France, ce jeudi, feat. une grosse partie de clarinette. Aperçus.
La première partie du concert s’annonce pétillante. Béla Bartók ouvre le bal avec les cinq Images hongroises pour orchestre (10′). La composition, tirée de pièces pour piano, s’inscrit dans le lignée des succès folk du maître. Elle met joliment en valeur les bois (remarquable Bruno Bonansea à la clarinette), émeut un peu (« Un peu gris »), fait sourire (« Danse des porchers d’Ürög ») et remplit sa fonction d’apéritif voire de mise en doigts de l’orchestre placé sous la direction de David Zinman, croisement entre Potiron-le-mentor-de-Oui-Oui et un Grand Schtroumpf qui aurait perdu son bonnet.
Suivent, de Witold Lutoslawski, les cinq Préludes de danse pour clarinette, harpe, piano, percu et cordes (8′), eux aussi plutôt folk, eux aussi tirés d’une pièce précédemment destinée à une autre formation (piano et clarinette). Martin Fröst entre alors en scène pour sa première pièce en vedette. Voici l’auditeur dans le vif du sujet : climats joliment caractérisés, contrastes, surgissements, dialogues entre le soliste et la masse des cordes… Ces cinq exquises esquisses séduisent, portés par un clarinettiste soucieux de dialoguer, de façon théâtrale mais non surjouée, avec un orchestre bien cadré par le chef.
Le Concerto pour clarinette et orchestre à cordes, avec harpe et piano (18′) d’Aaron Copland conclut la première partie, à la fois très variée et très cohérente. Cette composition oscille entre le style classique, rendu par des harmonies délicates, et le style jazzy abordé par le seconde mouvement, en référence au commanditaire, Benny Goodman. Le clarinettiste, sollicité dans des registres très variés, s’amuse des difficultés virtuoses et prend le temps d’écouter puis de répondre à un petit orchestre sans défaut. Sa technique est irréprochable, avec détachés précis, colonne d’air maîtrisée, sonorité égale du bas registre aux aigus, et doigts agilissimes. L’ensemble est agréable donc trop bref, sans tunnel, stimulant, autrement dit : que demande le peuple ? Un bis ? Martin Fröst en propose un, quasi spontaneous, selon ses termes, sous forme d’une improvisation autour de thèmes connus, alternant exposition, variations orientalisantes, traits démoniaques et conclusion en pied-de-nez via un couinement jazz. Le théâtre des Champs-Élysées, quasi plein sans être complet, applaudit comme il se doit ce moment euphorisant.
Après la pause croque-monsieur – côtes-du-Rhône (par ex.), la Symphonie n°9 « du nouveau monde » d’Antonín Dvorák attend l’Orchestre national reconstitué. Comme souvent avec l’ONF, on prend plaisir à écouter ce tube sonner avec un timbre large et magnifiquement maîtrisé. La direction de David Zinman, qui baguette par cœur cette pièce (aime bien ce néologisme), n’a l’air de rien ; pourtant, la synchronisation des départs et des silences est quasi irréprochable, le tempo ne traîne pas en chemin (trait enlevé du hit le plus célèbre pour cor anglais), et les musiciens créent avec art des atmosphères qu’ils ont pourtant dû restituer quelques dizaines de fois. Par déformation personnelle, on aimerait entendre plus ronfler voire exploser avec fureur (pas de jeu de mot, surtout pas) cet orchestre lorsque la partition paraît l’exiger ; mais, plus musiciens que l’auditeur moyen, les instrumentistes privilégient la beauté et la délicatesse en toute circonstance, au détriment de l’effet facile qu’ils n’auraient aucun mal à produire. Le résultat est séduisant et rappelle que, quand elle est jouée par un orchestre de ce niveau, la Symphonie du nouveau monde est une magnifique pièce enchaînant les trouvailles orchestrales et mélodiques, à mille lieues de la rengaine lassante que l’on entend parfois.
En conclusion, une superbe soirée revigorante, avec trois héros : un chef efficace, un clarinettiste à la présence scénique puissante, et un orchestre admirable.

La Tour, l'hiver, à la sortie du Théâtre. Photo : Josée Novicz.

La Tour en habit de janvier. Sortie du Théâtre. Photo : Josée Novicz.