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Captatio benevolentiae
De Clérambault, le « Caprice sur les grands jeux »
Ouvre et clôt le spectacle. En organiste, je
Ne puis qu’en éprouver quelque jubilation
Sans que cela conclue toute interrogation.
(La dernière phrase est peu claire, je l’admets.
Je tâcherai, après, d’être plus précis, mais
Parlant en vers, je puis exprimer mon propos
Plus en rythme fripon qu’en précis et clairs mots.)

L’histoire
De Poquelin JB, la pièce que voici

Narre l’art intrigant d’un parasite aussi
Prompt à parler et de Dieu et des cieux
Qu’il l’est à aspirer au coït ou, des vieux,
Le pognon. Cependant, ô justice suprême,
Comme oint par le baptême du sceau du saint chrême,
Par l’intercession d’un serviteur taquin,
Le roi mettra bon ordre aux forfaits du faquin.

Orgon (Michel Bouquet), Tartuffe (Michel Fau) et Elmire (Nicole Calfan).

La représentation
Dans un décor uni (palais sous LSD ?)

Qui s’ouvre quelquefois lorsque l’autel paraît,
L’on ne s’active guère. Aussi, la mise en scène
Est-elle promptement enlevée, sans astuce
Mais sans forfanterie dégradante. Vois, n’eût-ce
Été la contrainte qui consiste à permettre
Au vieux Michel Bouquet, ce vénérable maître,
De s’asseoir, il n’est point de facétie notable
Ni de grand sacrilège – est-ce assez remarquable ?
Michel Fau leur préfère un curieux collage.
Certains acteurs sont secs tels bêtes de hallage ;
D’autres, de leur costume à leur babil, s’étalent
En plate extravagance. L’ignorance, fatale,
Nous conduit à ne point comprendre qu’un Damis
(Alexandre Ruby) soit ridicule ainsi.
De Juliette Carré, à la béquille obscène,
L’on n’entend guère goutte à la première scène ;
Et cela est, ma foi, quelque peu ennuyeux
Puisque, de grandes scènes, elle n’en a que deux.
(Il est vrai que la pauvre est censée être mère
D’un acteur renommé, hélas nonagénaire.)

Le décor de « Tartuffe » vu par Emmanuel Charles

Globalement, on peine à comprendre le choix
Qui permet aux acteurs de choisir – selon quoi ? –
S’ils feront la diérèse, obligatoire hélas,
Ou diront l’e muet qui met le vers en place.
Parlons donc des grands noms, et admirons que pour
La première fois, oui, Michel Fau resta court
En extravagance et en dramatique messe.
Nous le vîmes plus prompt en montrage de fesse.
Michel Bouquet souffrote, et ces moult « taisez-vous »
Tombent trop tard après des silences trop mous.
Irradiant vraiment, la vedette du soir,
Christine Murillo, tient le coup ; et la voir
En manipulatrice ou en maîtresse femme
Est un bonheur certain, et pour l’homme et pour l’âme,
Fût-elle déguisée en quelque Bolivienne
Qui semble attendre enfin qu’un gogo lui revienne.

Cléante (le très louable Bruno Blairet), Dorine (l’excellente Christine Murillo) et Orgon (Michel Bouquet)

On ne peut terminer sans dénoncer Valère,
Que la voix de fausset de l’acteur met à terre.
Justine Bachelet, sa compagne de scène,
Joue les utilités ; dire ça est amène.
Mais l’ensemble est honorable et fait le boulot ;
Face aux Tartuffe dramatiques, c’est bien beau.

Damis (Alexandre Ruby, déguisé en Dedo-Johnny Depp), Cléante (Bruno Blairet), Dorine (Christine Murillo), Orgon (Michel Bouquet), Tartuffe (Michel Fau), Elmire (Nicole Calfan), Madame Pernelle (Juliette Carré), Mariane (Justine Bachelet) et Valère (Aurélien Gabrielli)

La conclusion
Nous ne rirons point si, selon un tract de bien,
l’« assistantmise en scène » a pour nom « Damien ».
Quoi qu’il soit scandaleux qu’au prix où sont les places

On y soit aussi mal tant il fait chaud, de grâce
Si vous voulez glousser, au moins pendant deux actes
(Les trois suivants dilatant un peu moins la rate),
Sachez que vous pouvez, en toute paix de l’âme,
Aller voir cette pièce, y compris si, et bam,
La fin est un vomitif éloge du roi.
Bah, certains ont élu Macron, et c’est leur droit.