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Trop petite, la Philharmonie, pour accueillir les admirateurs de Daniel Barenboim et de « son » orchestre, la Staatskapelle Berlin ! Pourtant, en attendant septembre, le cycle Mozart + Bruckner en est à sa troisième livraison, incluant deux épisodes début septembre 2016 et attendant d’autres en septembre. Quant à nous, nous nous (ça fait beaucoup de « nous », mais c’est pas que ma faute, quand même) faufilâmes au troisième concert de janvier, qui proposait le Concerto pour piano n°22 de Wolfgang et la Symphonie n°3 d’Anton.

Daniel Barenboim après Mozart et avant le bandage du pouce gauche. Photo : BF.

Sympathique concerto que ce vingt-deuxième (35’), qui permet de passer en revue maints solistes – et pas que la vedette au clavier. Alors que la direction du pianissse semble peu utile en live et peu regardée par ses ouailles, les automatismes ou le professionnalisme suffisent aux différents pupitres pour assurer des départs millimétrés. Les traits sont exécutés avec la précision et l’élégance requis ; clarinette, basson et flûte solo notamment se mettent en valeur par leur exactitude. L’attention et le hiératisme de Dominic Oelze, timbalier pourtant in fine peu sollicité, participent de la cohérence rigoureuse de l’ensemble. Sur l’ivoire, Daniel Barenboim se défend. Rares sont les accrochages de doigt ; et, quand la pédale ne noie pas un chouïa des cascades parallèles de notes, on est saisi par la qualité du toucher : les piano du piano (ha, ha) perlent et brillent, qu’ils soient ou non sertis dans l’écrin orchestral. Idéal pour faire oublier le caractère plus mignon que bouleversant de cette musique, intéressante mais qui peine à captiver au-delà du plaisir qu’elle offre à l’auditeur de se plonger dans le labyrinthe d’un petit orchestre, en coulissant sur le moelleux d’une harmonie agréable (oui, la phrase est longue et nombreuses sont les épithètes mais, bon, on voit l’idée, peut-être).

Daniel Barenboim et la Staatskapelle de Berlin le 8 janvier 2017. Photo : BF.

La troisième symphonie de Bruckner (60’) est un autre saucisson. Exit le piano, mais persiste le choix de Daniel Barenboim qui consiste à diriger par cœur. Rapidement, quelques incidents émailleront cette œuvre grandiose, d’ailleurs dite « Wagner » : les premiers pupitres de cordes n’ont pas les bonnes partitions ; le chef sort après le premier mouvement et revient avec le pouce gauche pourvu d’un HÉNAURME bandage lâche ; et l’un des contrebassistes sort en titubant au début du troisième mouvement, avant de s’écrouler à peine les portes des coulisses passées. Pas de quoi perturber visiblement des musiciens très concentrés – même s’ils feignent peu de s’intéresser aux indications d’humeur d’un chef qui semble épuisé. Dans cette œuvre aux quatre mouvements très variés, l’orchestre oscille du murmure émouvant (Adagio) aux rugissements des cuivres martelant le finale, en passant par des disruptions et des récurrences séduisantes (Scherzo), des crescendo, des variations… C’est passionnant, d’autant que le dialogue entre les pupitres fonctionne fort bien, et que les solistes ont du métier, qu’ils soient en évidence (extraordinaire Mathias Müller, trompette solo aux faux airs de Philippe Jordan Junior) ou dissimulés dans la fosse (remarquable clarinettiste). Encouragés par le mythe « Bruckner, c’est chiant, surtout sur la fin », quelques énergumènes s’éclipsent avant le dernier mouvement ; ils ont tort, la partition et l’orchestre nous happent jusqu’à la dernière note, malgré une direction d’orchestre un brin lâche et une écriture un peu pompeuse pour bien marquer l’approche de l’écurie.
La salle fait un triomphe prolongé à Daniel Barenboim et à sa phalange (pouce bandé compris – oh, ça va). Les absents, qui n’ont pas toujours tort mais parfois si, ça dépend, pourront retrouver Bruckner en vidéo ici.