Claudio Zaretti, Théâtre atelier du Verbe, 15 février 2019
Claudio Zaretti, c’est le chanteur qu’il faut aller voir quand ça va bof, car il rebooste ses spectateurs, et quand ça va bien, car il augmente nos barres d’énergie. Ses chansons sont simples mais pas connes, accessibles mais pas bêtifiantes, sensibles mais pas gnangnan, engagées à l’occasion mais pas donneuses de leçons. Bref, le mec n’aurait jamais pu être rappeur ou artiste-pour-Téléthon-télévisuel.
N’allez pas croire pour autant qu’il la joue Hugues Aufray ou Graeme Allwright décati. Il sait se souvenir des charmes d’une certaine « Mamzelle révolte », n’a pas hésité à intituler un de ses disques « Utopie, utopia » et chante avec ferveur un « Nunca más » fédérateur. Il rêve autant de se crasher (en tout cas, il aurait pu) que de se balancer sur un hamac qui se dandine. Il n’est pas du genre à pleurnicher même s’il reconnaît que « ce qui distingue l’homme des autres règnes », c’est qu’il est « Lacrymal », eh oui.
Et s’il a l’air de parler de sa vie, entre sa « Guitare », ses années à « faire la route » et son « Kiki » qui quitte les étoiles pour émouvoir l’assistance à tous les coups, il excelle à évoquer autant des histoires que des géographies multiples : les gares, le « Cosmos hôtel » (las, « il manque le l »), les lignes de vie du « Manouche » qu’il vient de repriser après en avoir proposé une première version. Et puis, il est honnête : comme tant d’artistes, ses chansons sont peuplées de bagouzes (que même sa femme en est jalouse, dit le texte peu ou prou) et sertissent « Deux diamants », titre de son dernier disque en date. Bref, c’est riche, c’est varié, c’est plaisant et, surtout, ç’a une qualité remarquable – ça embrase et embrasse large sans jamais dévier d’un style très personnel, qu’il s’exprime en groupe comme parfois, ou en solo comme ce soir-là.
Certes, Claudio Zaretti n’émarge pas chez les chanteurs expansifs. Contrairement à sa musique, chaleureuse et longtemps frottée aux brouhahas des bars, l’artiste est très intérieur ; or, ce qui pourrait passer pour un frein à son charisme, se révèle en réalité un atout formidable car sa posture, généreuse mais certainement pas fake ou putassière, irradie de suite d’un charisme spécial – celui de l’authenticité, surtout pas antithétique d’un savoir-faire remarquable pour écrire des chansons et pour les passer sur scène.
Bref, il y a un confort joyeux à venir applaudir cet excellent guitariste : l’on est certain de passer non pas une bonne mais une belle soirée, que l’on connaisse son répertoire ou non. Une soirée qui rappelle que, quel que soit notre âge, « On a vingt ans » quand on a l’énergie et les quelques euros nécessaires pour s’exiler de son chez-soi afin de goûter à cette chanson aussi roborative que méconnue. Ça swingue, ça donne envie de fredonner et, même quand l’artiste néglige, à l’instar d’un Jean Dubois, de convoquer l’ensemble de ses chansons-qui-marchent-à-tous-les-coups (pas de de « Je sais d’où je viens », par exemple, au programme de son dernier concert), il touche, il réjouit, il distribue des poussières d’allégresse.
Pour que cette notule ne soit pas assimilée à une pub (ni à un pub, hélas), il faut quand même la conclure sur une remarque négative. Reconnaissons que, à un moment, lors de son live au Théâtre atelier du Verbe, devant une salle pleine à craquer, il n’a pas osé expulser le mec venu froufouter sur sa « Chanson des îles ». Mais bon, j’imagine que c’est ça, aussi un artiste libre.