Salle Pleyel, 20 juin 2013
Étrange mais enthousiasmant concert que celui donné par l’Orchestre de Paris le 20 juin, dans une salle Pleyel bondée !
La première partie joue la carte de l’austérité. En ouverture, Le Cygne de Tuonela de Jean Sibelius, extrait connu de la Suite de Lemmikaïnen, pose un climat lent et statique. Paavo Järvi dirige l’orchestre sans en rajouter : pas de grands effets, pas d’accents, rien qui surligne et pourrait charmer l’auditoire. Ce choix d’un Sibelius non-spectaculaire est d’autant plus courageux que la pièce s’enchaîne avec le premier Concerto pour violon de Dmitri Chostakovitch. Quatre mouvements d’une durée totale de quarante minutes alternent des moments à la fois calmes et inquiétants (mouvements impairs) et des explosions de virtuosité pour le soliste et l’ensemble (mouvements pairs). Dans l’ensemble, la musique est austère, abrupte, comme contenue, jusqu’au burlesque final, dont l’hagiographie chostakovienne affirme qu’elle illustre « la vanité de la bonne humeur dans l’Union soviétique ». Au violon, Frank Peter Zimmermann, malgré une partition peu évidente (chant tendu pendant l’essentiel du morceau, virtuosité décoiffante pour finir), propose une lecture unie, un son riche et un souci constant de communiquer avec le chef, qu’il connaît bien, afin de se concerter vraiment avec l’orchestre. Même si la partition ne m’a pas enthousiasmé, la qualité du travail est certaine ; et elle n’est pas absente non plus du bis (Bach, bien sûr), vivace jusqu’à l’absurde, que le soliste offre aux spectateurs pour les quitter.
La seconde partie du concert programme la Première symphonie de Gustav Mahler, dite « Titan ». Reconnaissons que, après une première partie de belle facture mais peu affriolante, on ne s’attendait pas à ce qui se préparait. En effet, dans cette page d’une heure (ici réduite à 55′), le chef va pousser l’orchestre à rutiler comme on l’a rarement vu rutiler – ce n’est presque pas une blague. La beauté du lent piano liminaire saisit. La liberté de tempo et le sens de l’ironie (mordante sans être vulgaire : une performance !) séduit dans le second mouvement. Les contrastes du troisième mouvement, entre « Frère Jacques » et musique zim boum boum, emballent. Et la capacité à tenir de bout en bout le dernière mouvement de 20′, pourtant constitué de sections très contrastées, du piano au fortissimo maîtrisé. Le résultat séduit donc, car il donne la sensation d’assister, de la première à la dernière note, à une vision très personnelle de cette œuvre, impulsée par le chef et suivie avec enthousiasme par l’orchestre. La clameur nourrie qui suit l’explosion finale rend hommage avec pertinence au travail effectué.
En conclusion, même si on doit regretter la pingrerie de la Salle (quand on sait que tous les billets sont vendus, pourquoi ne pas prévoir un nombre de programmes suffisant ?), on ne peut qu’être emballé par la complémentarité des deux parties et la qualité de la prestation proposée ce jour-là par l’Orchestre, son chef et le soliste invité. Vivement la saison prochaine !