Salle Pleyel, 17 février 2014 : Chostakovitch par Gergiev, 7/8

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Gergiev et le Mariisnky jouent Chostakovitch. Une superbe photo de Josée Novicz.

Gergiev et le Mariisnky jouent Chostakovitch. Une superbe photo de Josée Novicz.

Deux grosses symphonies au programme : est-ce la raison, outre les prix demandés, pour laquelle l’orchestre de Pleyel – contrairement aux balcons – est aussi peu rempli ? Pourtant, le Mariinsky dirigé par Gergiev pour jouer Chostakovitch, c’est appétissant…
Et au cas où ça ne serait pas suffisant, le programme du jour est inversé : on commence, en première partie, par la Symphonie n°12, l’une des plus palpitantes, avec la sixième, du compositeur. Trois-quarts d’heure enchaînés et dynamiques, percutants, brillants, bref, « démocratiques », nous apprend le programme officiel, ce qui veut dire « vulgaires » en langage humain. Vulgaires ? Sans doute. Précision des cuivres, puissance des crescendocrescendi ? -, distribution subtile des parties douces et puissantes (osons le néologisme : réveillantes) : quand cela est réalisé par l’Orchestre du Théâtre Mariinsky, cela donne l’impression d’une bataille titanesque entre le compositeur et la musique, la beauté et la contrainte soviétique. C’est puissant, mais c’est fin ; c’est pertinent mais c’est accessible ; c’est impressionnant mais c’est musical. Pas de temps mort, pas de mollesse : même la douceur est énergie. On nous dit que (ta gueule, Carla) les cuivres pouët-pouëtent parfois bizarrement – on a raison. Mais le résultat en live est superbe.

La salle debout pour Gergiev & co. Justifié. Photo : Josée Novicz.

La salle debout pour Gergiev & co. Justifié. Photo : Josée Novicz.

Non que la seconde partie du concert, constitué par la Symphonie n°8, soit négligeable. Cette symphonie pour gros orchestre, mais surtout pour cordes dans le long premier mouvement, dure une bonne heure. Et elle est, en dépit de ses longueurs, prenante. Elle semble hésiter entre les langueurs dignes de 1943, année de composition de ce monstre, et la profusion que permet l’accès à un orchestre symphonique. Certes, la répétition un peu « clichée », comme disent les Amewicains, des phases pianocrescendo peut – et aurait raison de – lasser. Mais la qualité des solistes, la beauté de l’orchestre et la hauteur de l’inspiration séduisent, tout comme la fin en moriendo. Cela n’exclut pas le sentiment, très snob, de longueurs sporadiques ; mais cela plonge dans le cœur même de l’ambition de Chostakovitch. Quoi, la fureur du tutti ? Eh bien, la beauté des soli de piccolo. Quoi, la finesse des alti (qui introduisent les plom-plom-plom annonçant la fin) ? Eh bien, la grandeur de l’orchestre, peut-être pas parfait, mais vivant, concentré, et assuré sur les bases étonnamment puissantes et belles des contrebasses, du tuba, et de la précision (interventions peut-être imparfaites mais vigoureuses du bedonnant et percutant, c’est pas rien, xylophoniste). Des contradictions de l’artiste vedette…
En conclusion, de la part d’un orchestre pressé de partir en pause… avant l’enregistrement des patchs audio et vidéo, prévu jusqu’à minuit (le concert finit à 22 h 30), l’investissement dans ces deux symphonies est superbe et nullement réductible au « Mariinksy en tournée pour les ploucs riches de l’Occident ». Dire que l’on a hâte d’entendre le dernier volet de l’intégrale est un euphémisme gourmand. Pour les absents, séance de rattrapage ici.