Reinhold Friedrich et Eriko Takezawa, « Sonatae e variácie » (Solo musica) – 3/6

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Première du disque

 

Rarement donnée en concert, parfois reléguée au rang de morceau de concours (elle est par exemple au programme du second tour de la soixante-quatorzième édition du concours de l’ARD qui aura lieu à Munich, cet été 2025), la sonate de Harold Shapero est néanmoins auréolée de sa proximité chronologique avec la sonate pour trompette et piano de Paul Hindemith. Nous la mettons sur notre gramophone avec une sourde inquiétude : après l’œuvre palpitante de George Antheil qui nous avait saucé, sera-t-elle en capacité de nous ébaubir, elle aussi ?
Deux mouvements sont au programme. Le premier, « slow », est, sans surprise, méditatif. Porté par

  • une trompette aux longues tenues,
  • un piano aux harmonies énigmatiques et
  • une apparente absence d’interaction entre les deux acteurs (le clavier commentant le cuivre sans chercher à le défier),

il déploie une atmosphère ensuquée dans une brume de film noir.

  • Respirations précises,
  • virtuosité discrète mais réelle du trompettiste
    • (souffle,
    • phrasé,
    • aigus joués piano) et
  • accompagnement élégant

semblent nous narrer une histoire où le récit compte moins que la voix envoûtante du récitant. Le second mouvement tranche : il est « fast » mais pas furious.

  • Tonique (accents rythmiques),
  • léger (toucher net et sans bavure),
  • motorique
    • (motif dynamique,
    • récurrence de la formule matricielle,
    • ruptures swing),

le piano d’Eriko Takezawa lance cette phase avec un allant entraînant avant l’entrée triomphale de la trompette.

  • Contrastes,
  • ondulations,
  • parallélismes et
  • échos

constituent une entrée en matière énergisante qu’un changement de rythme prolonge. Certes, l’on regrette la prise de son très interventionniste de Norbert Vossen. En effet, elle semble éloigner par intermittences la trompette pour renforcer les changements d’atmosphère. Toutefois, le caractère rhapsodique du mouvement séduit, tant les interprètes, caméléons habiles et malicieux, parviennent à restituer la spécificité de chaque caractère stylistique. L’alternance entre cavalcade et fausse habanera est aussi l’occasion pour Reinhold Friedrich de jouer avec les sonorités variées que la partition suggère. Au fil des mesures,

  • à-coups,
  • soubresauts,
  • secousses et
  • imprévisibilité des échanges

sont portés par une walking bass d’une saisissante efficacité. Contrairement à ce qui se passait dans le premier mouvement, ici, les compères

  • devisent,
  • s’escagassent,
  • se relancent.

L’œuvre ne cesse d’associer renouvellement du discours et échos du motif liminaire, s’assurant ainsi une cohérence aisément perceptible par-delà la concaténation d’ambiances. La virtuosité digitale de la pianiste se fond dans la musicalité permise par la technique impressionnante du trompettiste. La composition accole

  • les langages,
  • les affinités et
  • les couleurs

sans chercher à les mélanger, gardant toujours vive l’attention jusqu’à la coda éclatante. Comme on dit – je crois – en musicologie appliquée à la vraie vie : super… d’autant qu’il nous reste encore trois œuvres à découvrir dans ce disque !

 

À suivre…


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