Reinhold Friedrich et Eriko Takezawa, « Sonatae e variácie » (Solo musica) – 2/6
Le parcours proposé par Reinhold Friedrich le long des sonates pour trompette et piano de la première moitié du vingtième siècle passe par le catalogue de George Antheil, autoproclamé « bad boy » de la musique. Le premier des quatre mouvements est un allegretto en Ut et à douze croches par mesure. Les interprètes en distillent avec art
- le balancement énergique,
- l’harmonisation inquiète et
- la simplicité prometteuse,
accompagnés à l’occasion par une cloche tombant pile en mesure (0’05) !
- La sonorité concentrée de la trompette,
- l’intensité polymorphe du piano,
- les ruptures fulgurantes et récurrentes de la partition
saisissent.
- La tonicité des staccati,
- la synchronisation entre les partenaires,
- les cahots du mouvement et
- l’aisance technique des musiciens
ne manquent pas de réjouir autant que d’ébaubir. Alors qu’ont disparu les soucis techniques rencontrés lors de l’écoute de la première œuvre du programme, le « dolce espressivo » qui enchaîne affiche lui aussi une mesure ternaire et exige du trompettiste de mettre une sourdine à son zinzin.
- L’harmonisation qui transforme la mélodie en motif aux miroitements multiples,
- les multiples modulations aiguisant la curiosité de l’auditeur,
- les nombreuses variations d’intensité et
- la place laissée au piano
flattent l’esgourde qui, séduite, se laisse volontiers caresser par
- le sursaut binaire impulsé par un piano plein d’autorité,
- les fluctuations de l’inspiration aux foucades séduisantes,
- l’aisance du trompettiste notamment dans
- les tenues impeccables,
- les phrasés nettement dessinés,
- le registre aigu et
- la liberté rythmique de la quasi cadence ad libitum.
Le scherzo vivace permet
- à Eriko Takezawa de se dégourdir les saucisses avec une évidente gourmandise,
- à Reinhold Friedrich de poser des notes répétées d’une légèreté confondante, et
- aux deux musiciens de démontrer l’intimité de leur connexion musicale
- (synchro,
- respiration,
- échanges).
Tout cela est concocté avec un brio qui sait aussi être
- élégance,
- expressivité et
- virtuosité d’une admirable musicalité.
Le second allegretto et dernier mouvement persiste dans la veine ternaire avec, cette fois, trois fois trois croches à la mesure. Ça
- danse,
- swingue et
- avance
joyeusement avec des à-coups de la mesure très entraînants (les blocs pouvant rassembler en alternance 9, 5 et 6 temps). Profitant de l’envie de headbanguer qui nous prend, nous en profitons pour nous incliner devant la large palette de touchers que déploie Eriko Takezawa
- (staccati ultralégers,
- accents ne souffrant pas contestation,
- mutation de caractère en dialogue avec son partenaire…).
La partition, dont la grande efficacité le dispute à l’inventivité toujours renouvelée, permet d’apprécier la qualité du duo à travers, notamment,
- le soin apporté aux contrastes,
- l’art de ménager des surprises sans perdre le fil narratif général, et
- la capacité à bondir d’une logique rythmique à l’autre.
Ces qualités éblouissantes font presque oublier l’extraordinaire virtuosité nécessaire à une exécution aussi tonique, où la rigueur des interprètes n’empêche pas le trompettiste de se lâcher en octaviant deux notes, cinq mesures avant le passage marqué allegro molto.
- Partition passionnante,
- écriture captivante,
- exécution transcendante :
de quoi mettre en appétit avant l’écoute de la sonate de Harold Shapero !
À suivre…
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