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Quatrième du disque

 

Du disque des jumeaux Katona sourdent trois problématiques :

  • guitaristiquement, et hop, les gars semblent formidables mais ne s’en satisfont pas, they want more and that’s fuckin’ cool ;
  • stylistiquement, pour ce disque, ils ont décidé de mélanger des morceaux réinvestis ou inventés ;
  • ontologiquement, il est compliqué de comprendre ce qui est originel et ce qui ne l’est pas – et ce rejet d’une authenticité génético-structurelle, manipulée par des instrumentistes formidables et par un arrangeur créatif, c’est forcément joyeux.

Paradoxalement, pourtant, manière de gêne peut venir de la trop grande science des gars. Pas techniquement car ça,

  • ça roule,
  • ça étincelle,
  • ça ébaubit ;

mais la maîtrise sage de la composition et de l’orchestration dont témoigne Peter Katona peut partager l’auditeur entre le « waouh, c’est vachement bien fait » et le « mais avec une telle science musicale et un tel savoir-faire, pourquoi pas créer un truc personnel et éblouissant » ? On aura compris que la seconde posture est un malentendu. Les gars veulent se couler dans un projet « à la manière de », certes limitant mais pas moins brillant, dont témoigne le titre de leurs disques et les photos de la couverture.
Reste que la troisième partie du disque illustre notre gêne andrérieurique qui stupéfie d’autant plus que, pour le coup, contrairement au mec au brushing, les gars semblent des musiciens hors classe. Ainsi, « Mallorca », siglée Isaac Albéniz, n’a jamais été une barcarolle pour deux guitares comme le laisse supputer la quatrième de couverture du disque physique. Dès lors, dans un premier temps, l’on pourrait s’offusquer sur l’air du : pourquoi ne pas reconnaître qu’il s’agit d’un arrangement ?
Ce serait oublier que l’album entier louvoie autour de la question de l’authenticité – alors qu’il aurait, à notre aune, eu meilleur compte à assumer explicitiement l’excitante idée

  • de transformation,
  • d’arrangement ou
  • de transmutation.

 

 

Pour preuve, dans sa version katonique, la barcarolle qu’est Mallorca sertit avec talent

  • les dialogues,
  • les harmoniques,
  • les mordants,
  • les modulations,

dans la finesse musicale des interprètes

  • (intentions,
  • nuances,
  • dialogue),

sans feindre de s’en tenir à l’original pianistique (c’est pas le but de l’arrangement, puisque c’est un arrangement),

  • éblouit,
  • sidère et
  • séduit.

Le résultat est rutilant. Reste qu’un peu d’honnêteté en sus nous conviendrait : pourquoi diable prétendre que c’est du Albéniz alors que c’est du Albéniz + Katona’s brothers ? Même question sur le quintette de Luigi Boccherini pour guitare et quatuor à cordes : pourquoi prétendre que c’est du Boccherini alors que vous transformez le truc à deux guitares pour « être plus hispanisants » ? Sérieux, tíos, vous valez tellement mieux que du fake, pourquoi cacher l’effort consenti pour transformer – et avec habileté, science et méthode, qui plus est – la chose en compagnie de

  • Wietse Beels,
  • Gudrun Vercmpt,
  • Vincent Hepp et
  • Martjin Vink ?

Certes, en première intention, le travail sur

  • la basse,
  • les unissons,
  • les tierces

peine à éberluer dans l’introduction.

  • La vivacité du fandango, en dépit des nuances, souffre des doublons entre le violon 1 et la guitare 1.
  • La prise de son qui tente de surligner l’intérêt du propos est fatigante.
  • In medias res, la percussivité peu idiomatique de la guitare 1 ne séduit point davantage en dépit du travail sur les sonorités en glissendi.

On voudrait être séduit, et cependant on rechigne car, certes,

  • les castagnettes surprennent,
  • la persistance de la percussion guitaristique amuse, et
  • l’ensemble pourrait complaire s’il assumait son propos.

Las, en l’état, c’est

  • mignon,
  • fort bien façonné mais
  • point aussi wow qu’on l’aurait espéré.

 

 

La oración del torero (visiblement, l’accentuation hispanique du « o » était plus chère qu’un claquement de castagnettes), un quatuor de Joaquín Turina, souffre de ce même manque d’honnêteté qui insère un propos pour quatre luths arrangé par le compositeur pour quatuor à cordes dans un disque pour deux guitares et plus si affinités. Les cordes de la Chapelle musicale de Tournai s’en tirent plutôt avec les honneurs malgré

  • certaines justesses approximatives (0’59, par exemple),
  • certains unissons pas très nets, et
  • certains départs floutés.

Toutefois, les changements de

  • tempo,
  • caractère, et
  • dynamique

sont assurés, sans pour autant justifier une fin de disque très éloignée d’un projet « Katona twins guitar duo ». En somme, une réalisation fomentée par deux brillants solistes dont un wannabe compositeur qui décevra peut-être les fanatiques du duo mais satisfera les amateurs d’une musique savante tranquille à base de tranquillade – avec cette crainte du snob de reconnaître que c’est vachement bien, mais ç’aurait pu être vraiment vachement bien (suivez-moi pour plus de critiques cryptiques).


Pour écouter le disque gracieusement et en intégrale, c’est par exemple ici.