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Première du disque

 

Pas vraiment destiné au public hexagonal puisque, en dépit de son ancrage belge, le disque physique propose un livret exclusivement anglophone, le projet exige un triple pari de l’auditeur pour accepter

  • la réécriture de standards,
  • l’adaptation de partitions sacrées à force d’être des golden hits de la musique savante,
  • la création de chimères suscitée par les circonstances,

en l’espèce la présence d’un duo de guitaristes jumeaux. Pas question pour Peter Katona de s’en tenir à un arrangement, autrement dit à un bricolage. Il compte remodeler les pièces en fonction de son inspiration propre.

 

 

Ainsi, à la pièce originale d’Isaac Albéniz (qui n’a pas le droit à son accent officiel, sans doute trop épuisant à ajouter), extraite de la Suite espagnole op. 47, le réécriveur promet de substituer au piano deux guitares et d’y ajouter des passages pour valoriser « ses racines arabiques et flamencas » à travers

  • un prélude (« Asturias » étant originellement lui-même un prélude à la pièce suivante),
  • une guitare percussive façon flamenco,
  • des mélodies additionnelles et
  • des « special guitar effects ».

Le résultat ? Moins une interprétation, comme promis, qu’une réinterprétation qui

  • puise dans différents idiomes modaux et stylistiques,
  • insiste sur le groove donc la rythmique,
  • recrée une sonorité spécifique qui n’hésite pas à osciller selon les motifs.

Même liberté auto-octroyée pour le « Double concerto Tárrega » (le compositeur étant souvent privé de son accent, sans doute trop épuisant à ajouter, décidément), composé pour deux guitares à partir de mélodies inspirées des œuvres de Francisco Tárrega puis orchestré par Peter Katona avec des idées assumées comme singulières – ainsi de « Gran Vals », utilisé par Nokia en tant que sonnerie et que le guitariste a utilisé « comme si la sonnerie de Nokia avait inspiré Tárrega », enough said. La réalité, c’est que ça fonctionne.
En effet, le premier mouvement – Gran Vals, donc – s’ouvre par la sonnerie, avec une cédille, avant de se lancer sur une valse entraînante où les guitares n’ont pas toujours le rôle principal, d’où le principe de concertation présidant à la pièce. Certes, l’enregistrement de Frédéric Briant, trop soucieux de lisibilité, manque souvent de naturel dans l’équilibre entre les forces en présence, mais la promesse de divertissement plaisant est assurément tenue : c’est sans doute un brin andrérieusque, cela reste amusant à souhait.

 

 

Le deuxième mouvement, « Alhambra inspiration », si important pour le disque, s’amuse autour du tube de Francisco T., en le rapprochant avec la progression d’une « caravane de chevaux dans un désert arabe ».

  • Harmoniques,
  • interventions arabisantes du hautbois,
  • exotisme du tambourin et
  • soyeux du combo bois – cordes

habillent ce qui s’apparente à une bluette mignonne tentée par le boléro. Le troisième mouvement, « Capricho arabe », revendique de mieux valoriser le passé mauresque de l’Andalousie que ne le fit Francisco Tárrega.

  • Dramatisation topique,
  • sautillements retenus,
  • alternance orchestre – solistes aux grands ongles

organisent une partition peu surprenante mais agréablement troussée et pimpée par une cadence en duo enlevée avec la maestria pyrotechnique qui sied à ce genre d’exercice. Au terme de cette première partie, le duo a mis en évidence

  • un savoir-faire certain,
  • une dextérité incontestable, même si on la préfèrerait sans doute plus à découvert (cela viendra), et
  • une volonté de charmer l’oreille qui n’est pas le plus grand défaut des musiciens savants.

 

À suivre !


Pour écouter le disque gracieusement et en intégrale, c’est par exemple ici.