“Paris 1850”, Le Palais Royal, Salle Gaveau, 6 février 2024 – 2/3
Après l’interminable blabla évoqué tantôt (on nous souffle qu’il a été vivement suggéré par les sponsors, la culture étant soumise plus ou moins en catimini aux grandes entreprises et aux gros riches), surprise : l’heure de la musique est enfin venue. La révolution n’a pas dû déplaire aux sponsors s’ils sont incultes, mais le schéma organisationnel préférait le pratique à la tradition. L’usage ? Une ouverture, un concerto, une symphonie. Probablement pour ne pas harasser la régie, l’ouverture est positionnée après le concerto, ce qui lui ôte le côté apéritif qui lui sied, et l’on passe presque directement au vif du sujet, en l’espèce le quatrième concerto pour piano de Camille Saint-Saëns avec Orlando Bass au Pleyel.
Le soliste est l’homme idéal dans le momentum idéal. Après avoir raflé tous les prix ou presque au dernier concours international auquel il a participé, le pianiste également claveciniste (et compositeur, on en a parlé et on en reparlera) est un vieux partenaire de l’orchestre du Palais royal où Jean-Philippe Sarcos, le chef, lui a fait confiance à de multiples reprises.
Articulé en deux parties d’une douzaine de minutes chacune, le concerto s’ouvre sur un dialogue potentiellement énergisant entre orchestre et piano. Ceux qui ne connaissaient pas les conséquences non mentionnées au préalable des instruments d’époque les découvrent : la justesse est souvent injuste. Cela donne du corps au son, certes, mais il faut du temps et de l’envie pour trouver du charme à la proposition. Quand le piano entame
- ses traits,
- ses rondades et
- ses envies d’octaves,
l’orchestre se libère de ses piani et de sa retenue liminaire. Sans presser, le soliste joue sur les tensions et les mutations, son jeu délié sachant être
- plus concentré que brillant,
- plus habité que bruyant,
- plus diversifié que contradictoire.
Orlando Bass est à son affaire. Il travaille
- la poésie de la résonance,
- la musicalité de la virtuosité,
- la beauté de la retenue.
Quoique valorisante et maîtrisée, la partition n’est sans doute pas la plus
- émouvante,
- fine et
- inattendue
du répertoire, mais
- l’allant du chef,
- l’attention de l’orchestre et
- l’aisance investie du pianiste
réjouissent l’auditeur. La petite demi-heure séduit aussi grâce au travail collectif.
- L’énergie des attaques pianistiques,
- la coloration des différents registres d’un Pleyel 1905,
- la multiplicité des
- traits,
- breaks,
- unissons et
- relances de l’orchestre
font pétiller l’écoute et vibrer l’auditeur. Sans forcer le trait, fidèle à son apparente retenue qui reste toute britannique, Orlando Bass éblouit triplement :
- par sa technique qu’ébouriffe une invraisemblable cadence,
- par son piano caméléon allant de la mélancolie à la jubilation en passant par la colère furibonde, et
- par sa musicalité dont témoigne sa capacité à relancer l’écoute par un toucher spécifique ou une saute d’intensité fascinante.
Belle ouvrage qu’il s’agira de parachever avec une ouverture et une symphonie sur lesquelles une prochaine notule reviendra.
À suivre !