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Si j’ai bien compris, il est pertinent de commencer un compte-rendu de Venus and Adonis par un constat : on s’est fait chier. Ce qui est relativement ennuyeux quand on n’a pas trouvé ce spectacle ennuyant. Détaillons.
Venus and Adonis est une manière d’opéra de John Blow, un divertissement royal d’environ une heure dix. Le Théâtre et la maîtrise de Caen, qui s’y connaissent en musique ancienne à peu près autant que les Musiciens du Paradis, donc pas mal du tout, y ajoutent une chanson du même John Blow pour arriver à un compte à peu près rond d’une heure et demie. Le prétexte est simple : Vénus et Adonis se kiffent. Vénus demande à Adonis de se casser pour que leur amour dure. Adonis va chasser. Le sanglier mythique qu’il assaille le tue. Vénus se mord les doigts. Trop tard.
Trop ostentatoirement authentique, sans doute, est la mise en scène. Elle a de quoi agacer, d’autant qu’elle est associée à un décor en kit plutôt ridicule, et à une place prépondérante offerte à Romain Delalande, enfant chanteur à la voix impatientante. On est également surpris qu’une « dresseuse d’animaux », Muriel Bec, ait été engagée, pour s’occuper de trois jolis chiens de chasse pas vraiment dressés et de quelques tourterelles qui rêvent de s’envoler. Pourtant, on apprécie l’expressivité des solistes du choeur (dirigé par Olivier Opdeebeck, qu’on avait connu menant des amateurs à l’assaut des chefs-d’oeuvre de Legrenzi), les aigus maîtrisés de la Venus de Céline Scheen, et l’art des danseurs (même si la place qui leur est accordée paraît excessive aux yeux d’un amateur d’art lyrique). Surtout, l’ensemble est sous-tendu par une exigence de fidélité à l’époque un peu lourdaude mais qu’on aimerait retrouver, parfois, comme contrepoint aux options Regietheater faisant jouer Mozart en costard-cravate et Wagner en officier nazi.
L’ensemble est digne, joyeusement dépaysant pour un non-baroqueux, et néanmoins accessible à tout honnête homme. Oui, on aurait pu rêver spectacle plus surprenant, plus ambitieux scéniquement (Louise Moaty paraît pour le moins timide, sinon pas du tout inventive) et, quand le texte s’y prête, plus mordant ou ironique. Néanmoins, il est heureux qu’un opéra d’1h25 sans entracte, créé en 1683, puisse paraître ennuyeux, au sens de fâcheusement décalé avec les us de l’époque. Il est aussi heureux que nous puissions jouir d’une musique rare, précieuse et aspirante, où l’auditeur doit se laisser happer par une atmosphère qui lui est, pour peu qu’il ne soit pas spécialiste, élégamment étrangère. Les beaux passages de choeur, les ruptures rythmiques de l’orchestre, les trouvailles harmoniques de John Blow font que, à aucun moment, je n’ai regretté d’avoir longtemps à l’avance réservé ma soirée pour ce spectacle que je laisse aux experts, fats comme des experts, le soin de trouver chiant.