Nuit de la collégiale – Ç’a presque commencé comme ça
La promesse : douze heures dans la vie d’une collégiale, et ça commence ainsi. Enfin, après le suicide d’Épinay-Villetaneuse qui a failli, en sus d’ôter la vie d’un malheureux ravi de signaler sa mort à un maximum de zozos, empêcher les artistes de débarouler à l’heure au lieu dit. Donc, pour commencer, après le stress tout à fait celé, une messe avec deux orgues, trompette et contre-ténor. Puis un repas. Puis une découverte de la collégiale racontée par un mec qui a glané deux doctorats de classe – un en médecine et un en Histoire. Entre autres, bien sûr (on simplifie, tu penses, en vrai le mec était prof de thérapeutique à Bobigny et spécialiste d’hématologie, tout en étant comédien et metteur en scène, tu vois le CV d’ici).
Pour éclairer la conférence déambulée de l’historien-mais-pas-que, des flambeaux qui, contrairement à ceux de la référence en termes de flambeaux, Jean-Jacques Goldman, ne manquaient pas de feu et n’éclairaient pas si peu. Bon, force revient à la loi (c’est bien le problème) et est d’admettre que ça n’était pas vraiment des flambeaux mais, comme ça n’était pas vraiment une conférence, ça se marie plutôt pas mal.
Après quoi, un trio de femmes prenait le pouvoir pour un concert orgue et hautbois. Après avoir commencé face public, à l’orgue de chœur, les artistes crapahutaient vers le grand orgue pour se retrouver au grand complet avec Stella Yahya-Nascimbeni au hautbois, Valérie Capliez au ploum-ploum et Madame Aude, à la tourne, à la sécurité technique, au changement de combinaison et à la rassuration (terme technique hyperimportant pour les musiciens).
La souffleuse, ultraconcentrée, a prévenu d’entrée : « Tu peux filmer (ce qui fut fait), mais je ne veux rien sur YouTube. » Cela se comprend et se respecte – le tope-là est notre contrat souvent préféré ; mais voilà, cher lecteur, tout ce qui restera de son travail où précision de l’attaque, gestion du souffle, complicité musicale et souci de rendre les contrastes d’atmosphère pourrait donc être ce genre de cliché. Vu le rendu, dynamique, accessible au mélomane comme au curieux, soucieux de variations d’intentions et d’intensités, c’est dommage – mais, en attendant que la dame change d’avis, cela laisse une large part au fantasme, ce qui est plutôt joyeux, faute de mieux.
Pas de quoi troubler la faussement monolithique Valérie Capliez ! Cette musicienne accomplie cache son tempérament de feu sous un masque impénétrable qui tient le temps du concert. Quand certains surjouent le feeling et la vibe, Valérie préfère éviter les gestes et mimiques parasites ou démonstratifs afin que, le feeling et la vibe, ce soient les auditeurs qui l’éprouvent. Tant dans les soli choisis parmi les chefs-d’œuvre de Johann Sebastian Bach que dans les pièces en duo – et en dialogue – avec sa compère à l’anche double, l’organiste déploie un jeu intelligent, efficace, dépourvu du superfétatoire sirupeux dans lequel se complaisent maints collègues.
L’accueil enthousiaste d’un public nombreux, ravi d’optimiser les bancs de la collégiale au dossier intelligemment réversible, a confirmé la pertinence du pari de ces artistes qui ne cessent de développer leur pacte musical : en trio dimanche 7 juillet à l’église de Luzarches avec Bénédicte Viteau à la traversière, et bientôt en duo sur le bel orgue de l’église parisienne de Saint-Laurent, dont on préfère ne pas parler pour ne pas avoir à rappeler que l’on n’oublie pas et que dès que, bref, pim pam poum, une promesse est une promesse sans date de péremption, même pour 80 €, hope you marked my words, you fucking asshole.
Et le reste, préservons-le pour une prochaine recension où l’on parlera, autant que l’on y parviendra, encore plus de musique, de spiritualités et de plein de trucs qui pimpent notre vie en dépit de l’existence de ces bousins mentionnés supra. Et ça, ça compte, nom d’une pipe en bois.