Nicolas Horvath joue les premiers “nocturnes secrets” de Frédéric Chopin (1001 notes) – 4/4
Deuxième recueil de nocturnes, la trilogie opus 15 a dû frustrer Nicolas Hovrath-l’enquêteur car, en dépit de ses efforts, il n’a pas trouvé de variantes significatives pour deux des trois œuvres au programme, et celle qu’il a sélectionnée pour le deuxième épisode ne se justifie, avertit-il, que par la coda. Après la profusion de versions du deuxième nocturne opus 9, cela aère le projet sans en désamorcer l’intérêt fondamental puisque, en l’absence de secrets, reste la musique. Ce n’est pas rien.
Le premier nocturne de l’opus 15 est un andante cantabile en Fa et à trois temps. Au 3/4 de la main droite répond le 9/8 de la main gauche. L’interprète
- énonce clairement le balancement,
- assume sans les surligner les dissonances dont l’harmonie tire sa sapidité, et
- jongle avec habileté entre
- la régularité indispensable,
- l’enrichissement rythmique des appogiatures et ornements, ainsi que
- l’agogique délicat qui rend vibrant le propos.
Après cette douceur, la partie centrale, en fa mineur, secoue l’auditeur grâce
- au tempo « con fuoco »,
- à la vigueur d’une mesure à dix-huit doubles croches, et
- à l’insertion de mesures à 6/8 rompant l’unicité de la nouvelle métrique.
L’artiste y travaille
- le grain sonore des sixtes motoriques,
- la couleur propre à chaque registre du clavier et
- l’efficacité du bariolage frénétique qu’il joue moins comme un accompagnement que comme un ingrédient fondu dans le gâteau mélodique esquissé conjointement par les deux mimines.
Le retour au mode majeur conclut la miniature avec une fluidité de la meilleure eau, nous amenant ainsi au deuxième nocturne, un larghetto à deux temps escaladant la tonalité de Fa dièse.
Le pianiste y laisse résonner
- le swing de la lenteur,
- l’importance du phrasé et
- la richesse des possibles contenus dans la mesure (appogiatures, ornements, gruppetti de triolets, quintolets, septolets voire plus si affinités).
La partie centrale, « doppio movimento »,
- s’emballe,
- cherche en vain à s’envoler et
- revient au calme non sans
- bouillonner çà,
- déborder là avant de
- renoncer dans une coda presque fataliste.
Nicolas Horvath en propose une version alternative suivant la partition de Ludwika Jędrzejewicz, sœur du compositeur. Pour un non-expert, fors la fin de la coda, les éventuelles différences ne sont guère perceptibles (on était prévenu…), mais la réécoute du texte n’enlève rien
- à ses originalités harmoniques,
- à ses contrastes d’atmosphère ni
- au plaisir qu’il procure quand il est déclamé avec la mâle assurance d’un Nicolas Horvath.
Le troisième nocturne de l’opus, un lento à trois temps et en sol mineur, explore les ravissements
- de la suspension,
- de la tenue et
- d’une sobriété presque gymnopédique.
La délicatesse de l’exécution très intériorisée tire l’œuvre du côté de la méditation improvisée (le « rubato » est, pour ainsi dire, de rigueur, le compositeur l’exigeant dès la première mesure).
- Les foucades de l’emportement,
- les mystères de la modulation,
- la créativité des harmonies
trouvent en quelque sorte leur point culminant dans l’absence de reprise de la partie liminaire – comme une autre suspension après celles qu’a déjà proposées la miniature. La tierce picarde finale ne résout pas ce mystère, ce qui réjouit, évidemment, comme réjouit ce projet. En effet, Nicolas Horvath ne cherche pas à expliquer ou démystifier les secrets des nocturnes mais propose d’en ajouter de nouveaux à ceux que nous connaissions ou étions censés connaître. Dès lors, la voie de cette intégrale est aussi singulière que sa voix. Nous en attendons les prochains volumes avec grande curiosité.
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