L’orchestre du CRR de Paris joue Mozart, Chopin et Beethoven, 17 mars 2025 – 2/3
Après le vingt-troisième concerto pour piano de Mozart, l’orchestre du conservatoire à rayonnement régional de Paris (CRR) se fait – avec audace – les quenottes sur le deuxième concerto pour piano de Chopin, eût-il été écrit avant le premier. Dans un monde clivant, il assume une certaine diversité, en dépit de la prééminence d’instrumentistes blancs si honnie par les bien-pensants :
- clarinettiste « racisé »,
- premier violon genré LGBTQIA+ ;
- nombreuses musiciennes d’origine asiatique,
- violoniste voilée avec, curieusement, des cheveux découverts,
- violoncelliste en nuisette…
Autant pour le racisme univoque censé être consubstantiel de la musique savante. Cependant, ce stress test passé, reste à délivrer. On connaît la vulgate : Chopin est nul en orchestration. La bande à Pierre-Michel Durand va tenter de prouver que this is bullshit. Leur atout-maître est Yves Henry, un prof autochtone qui est sans doute le maître de la discipline Chopin. Mais l’investissement de l’orchestre n’est pas pour autant un atout négligeable ! Dans le maestoso en fa mineur,
- l’allure décidée,
- le bon groove des basses, et
- les accents dynamisants
signalent que, pour le bonheur de l’auditeur, l’orchestre s’en donne à cœur joie, la préparation de la banda n’y étant sans doute pas pour rien. Certes, le cor aigu, qui prend tous les risques, reste fragile, mais il tente, il ose, il sait que l’on entendra ses moindres couacs et pourtant il est là, digne et honnête. Ces ratés vivants sont constitutifs du concert d’un orchestre de conservatoire, aussi huppé fût-il. À peine les signale-t-on pour prouver une présence et saluer un projet professionnel en cours de perfectionnement. Pour un musicien vieux, c’est carrément presque joyeux. Cependant, l’entrée d’Yves Henry change le niveau d’exigence. Voilà un artiste qui sait allier, contre toute attente,
- autorité et sensibilité,
- rigueur et souplesse,
- évidence et profondeur.
La virtuosité est intériorisée. Elle passerait presque inaperçue tant la digitalité s’abstrait du côté circassien du piano pour révéler à celui qui écoute
- une pédalisation au cordeau,
- une attention puissante à l’équilibre des registres,
- une science subtile du mélange chopinien qui unit
- mesure,
- débordement et
- agogique induite par l’écriture.
Une façon de rappeler que, chez Yves Henry, l’aisance ne sent pas le côté circassien des Victoires de la musique pour ménagère occidentale de plus de cinquante ans ou le récital d’été suintant l’inabsolu (mot qui n’existe pas, c’est vrai, et pourtant, la chose, elle, ô combien). L’orchestre semble élever son niveau pour rejoindre l’interprète d’exception. Le voici manigançant un joli miroitement
- de couleurs,
- d’humeurs et
- d’énergies
qui fait si bien scintiller ce mouvement que des spectateurs osent le blasphème absolu : battre des mimines entre les mouvements. Le larghetto en La bémol se décapsule sur une envie patente de l’orchestre de fomenter
- une atmosphère,
- un climat,
- une ambiance
grâce aux piani qui sertissent la mélodie. La partie du soliste réfute toute mollesse de l’âme. Elle exprime une tension fructueuses entre
- tempo apaisé,
- traits virevoltants de la dextre et
- impression diffuse que l’on écoute une suspension aussi provisoire que tranquille.
L’orchestre surpasse une justesse des cordes qui semble parfois sujette à caution pour valoriser avec habileté
- frémissement,
- écoute et
- jubilation du pianissimo.
La présence de solistes roués (première bassonniste, par exemple), contribue à l’émotion du mouvement. L’allegro vivace, attaqué dans la foulée, valse puis se cabre. Les saucisses s’agitent, les pupitres des vents s’affirment, Yves Henry impulse les changements de direction
- rythmique,
- thymique et
- émotionnelle,
joliment suivis par les élèves du CRR. Le pupitre de clarinettes tente de chiper le lead au soliste, qui retourne la situation en relançant la valse liminaire jusqu’aux dernières folies du faux finale majeur, prolongé par les cors et par les dernières agitations pianistiques. Avec
- envie,
- lyrisme et
- poésie,
Yves Henry offre aux élèves de son établissement une leçon vibrante de musicalité. Et dire que le concert n’est point fini… Sans doute dans une prochaine notule apprendra-t-on l’issue de l’histoire ?