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Photo : Peter Adamik. Illustration publiée avec l’aimable autorisation de l’altiste.

 

À l’occasion de la sortie de 1919, le disque ébouriffant chroniqué tantôt, Marion Leleu nous a accordé une interviouve tonique et décapante. Accrochez vos ceintures, ceignez vos bandanas, gominez votre permanente : l’altiste bretonne presque allemande désormais est sur les starting-blocks pour nous parler virtuosité, direction, pédagogie, psychologie et, pas accessoirement, musique.

 

Premier épisode : l’alto comme un marathon
Deuxième épisode : la musique comme une liberté
Troisième épisode : le partage comme désir
Quatrième épisode (à paraître le 29 janvier) : l’expérience comme créativité

 

Troisième épisode
Le partage comme désir

 

Il n’y a pas une Marion Leleu. Il n’y a pas non plus plusieurs Marion Leleu. Il y a plusieurs Marion Leleu en une. La boule d’énergie en partance pour l’Allemagne, sa patrie d’adoption, le revendique. Du désir d’enregistrer au plaisir d’enseigner, du besoin de découvrir de nouveaux répertoires à la nécessité d’enrichir son arsenal didactique, l’altiste et psychologue naturopathe balaye le spectre de la musique et de la transmission avec une gourmandise qu’elle habille d’une fougue roborative…

 

Marion, jusqu’ici, nous avons évoqué

  • le rôle spécifique de l’alto,
  • la polymorphie de son répertoire et
  • les multiples possibles qui s’offrent aux altistes… ou qu’ils vont chercher avec les dents !

Il est temps de découvrir le making of ton disque, 1919. Pourrais-tu nous expliquer comment ça monte, un désir de disque ? Parce qu’il y a quelque chose de paradoxal, dans ce genre de projet : l’artiste a

  • le talent,
  • l’idée,
  • l’énergie,
  • le savoir-faire musical,

mais il est aussi la vache à lait d’un label qu’il finance… Vues ces conditions, on imagine que, derrière le disque, il y a un sacré désir !
Je ne me reconnais pas dans ce que tu décris, sinon dans le fait qu’un disque, ça vient d’un désir. Un disque, c’est prenant. Ça arrive après une période de gestation ; et ça vient de la rencontre avec un musicien – en l’espèce, Bertrand Giraud. Quand on ne connaît pas Bertrand, on peut s’imaginer qu’il est bougon. Pourtant, dès qu’on a commencé à travailler ensemble, on s’est rendu compte qu’il y avait une entente musicale très profonde entre nous. Bertrand est un musicien de grande classe, sensible et à l’écoute. Donc je me suis dit : je veux faire un disque avec lui.

 

 

Avant cette évidence, un projet discographique aussi personnel t’avait-il démangé ?
J’ai voulu faire un disque avec des collègues que j’estime, et elles ont eu froid aux pieds en me disant : « On ne sait pas si on arrivera à te suivre… Et puis un disque, comment on fait ? » J’ai abandonné ce projet, pas mon idée. Moi, j’aime faire des choses. Je n’avais jamais fait de disque ? Ben, c’est pas grave, on fonce et on verra bien ce qui s’passe ! Bertrand, lui, en avait déjà fait dix. Il était partant d’emblée, et son expérience m’a beaucoup aidée.

 

« Parfois, ce qui est compliqué se révèle simple »

 

Tu avais le casting, quid du programme ?
Je savais que l’on enregistrerait Clarke et Hindemith, dont les œuvres étaient de 1919. Il me manquait une pièce pour boucler la set-list, donc j’ai commencé à chercher ce qui a été écrit en 1919 pour l’alto. Je m’attendais à dénicher des tas de merveilles, mais je dois avouer que je suis tombée sur pas mal de trucs abracadabrantesques ou pas très intéressants.

Tu as dû regarder du côté de Nadia Boulanger…
Nadia Boulanger est une grande musicienne, mais la pièce que j’ai regardée ne m’a pas emballée. Or, j’avais besoin d’une composition que j’aie envie de défendre. C’est à ce moment que je suis tombée sur Joseph Ryelandt via ismlp. La partition était rudimentaire : c’était le scan d’une édition de copiste, lisible mais simplement calligraphiée. On commence néanmoins à jouer ça avec Bertrand, on trouve ça très beau. Tellement beau, même que l’on se dit : « Ça devrait être réédité ! »

Partant, tu t’y es collée.
Oui. J’ai proposé l’idée à un copain qui s’occupe plutôt d’édition baroque, ça l’a effrayé. Alors, je me suis tournée vers une maison d’édition que j’aime beaucoup, Partitura. C’est une boîte spécialisée dans la musique de chambre, c’est-à-dire que la partie d’alto a aussi la partie de piano dessous, pas seulement l’inverse. Mon interlocutrice – elle-même ancienne altiste de l’orchestre de la radio de Karlsruhe, je crois – était très excitée par cette perspective, à un petit détail près : il me fallait obtenir l’autorisation de la famille du compositeur. Je lance donc mon enquête, au cours de laquelle j’ai rencontré plein de gens charmants. Je trouve une université où Ryelandt n’était pas inconnu ; on m’oriente vers le biographe du musicien ; j’entre en contact avec David Vergauwen, un monsieur absolument charmant, qui accepte au passage de rédiger un texte pour le livret et qui me donne les coordonnées de la famille du compositeur ; ma proposition leur plaît tellement qu’ils ne réclament pas le moindre centime, juste quelques exemplaires du travail terminé. Parfois, ce qui est compliqué se révèle plus simple que prévu !

 

 

Je ne vais pas révéler de grands secrets en soulignant qu’un disque, c’est un casting, un répertoire… et des instruments pour jouer. Toi, tu avais ton alto ; mais comment Bertrand et toi avez choisi le piano formidable que l’on entend sur le disque ?
J’ai demandé conseil à Daniel Weingartner, mon ingénieur du son préféré. Il m’a suggéré de me tourner vers Stephen Paulello. J’en parle à Bertrand, qui s’enthousiasme en m’expliquant qu’il rêve d’enregistrer sur ces pianos géniaux. La rencontre entre Bertrand et le piano a très bien fonctionné et, moi, j’ai découvert Stephen, un type d’une culture et d’une intelligence rares. Il a enseigné en fac, il est aussi ingénieur… Il est épatant. J’adore les gens qui sortent du commun et qui avancent. Peut-être est-ce aussi parce que, des personnalités atypiques comme lui, me rappellent mon père…

 

« Quand je fais quelque chose, mon seul but est de le faire »

 

C’est ainsi que, petit à petit, les planètes de 1919 se sont alignées.
… et bien alignées ! J’étais notamment contente de l’équilibre du programme. Nous avions

  • une pièce peu connue ;
  • une œuvre d’un compositeur masculin vraiment connu ;
  • et une sonate – très connue au moins par les altistes, contrairement à ce que tu écris : tout le monde la joue, en Allemagne ! – d’une compositrice.

Admettons que, en écrivant que la sonate était peu connue, j’ai gribouillé une sottise… ou révélé la relativité du concept car, enfin, en dehors du microcosme altistique, Rebecca Clarke ne me paraît pas être hyperstar… si ?
Non, c’est ça ce qui est étonnant. J’ai fait des recherches sur elle. Je n’ai pas trouvé grand-chose. Il existe un site à son nom, où des gens essayent de rééditer une thèse sur elle… mais ils ont du mal. Et c’est vraiment dommage, car elle a écrit de la musique de chambre, notamment un Trio avec piano de très bonne tenue, ainsi que, tiens donc, beaucoup de musique chorale.

Parce que c’est une femme, sous-entends-tu.
Oui.

Donc tu te sens solidaire d’elle.
Pas que parce que c’est une femme, évidemment. Je l’admire parce que c’est une excellente compositrice. J’imagine ce qu’elle a subi pour devoir écrire surtout de la musique pour chœur. En plus, elle est morte le 13 octobre ; et, moi, je suis née le 13 octobre. Mine de rien, ça nous rapproche aussi !

 

« J’ai hésité à faire un disque noir »

 

Une fois le programme consolidé, ce qui n’est pas une mince affaire, pourquoi faire un disque ? Je suis volontairement provocateur, mais pas uniquement : puisque ce n’est pas que pour dire « hey ! je suis une altiste de haut niveau ! » (sinon, tu aurais sans doute choisi d’autres œuvres, selon une autre logique), est-ce

  • pour rendre hommage à un répertoire partiellement méconnu,
  • pour honorer un instrument qui – ne t’en déplaise – n’est pas toujours considéré en tant que soliste potentiel, ou
  • pour montrer qu’une artiste peut aussi de son propre chef porter, inventer des projets, par exemple ?

Bref, qu’est-ce qui palpite, dans cette histoire ?
Tu poses la question du but. C’est pas moi du tout, le but. J’aime pas trop faire les choses et avoir un but hors des choses que je fais. Le but en lui-même était de réunir ces trois œuvres et de faire un beau disque. Après, si on peut l’utiliser pour avoir quelques concerts, tourner, avoir une visibilité en tant que duo avec Bertrand ou montrer ce que Marion Leleu sait faire en dehors des cours d’alto qu’elle dispense, super, mais ça ne va pas plus loin que ça. J’ai même hésité à faire un disque noir parce que c’est vrai que ça sonne mieux. Les jazzeux le font, pourquoi pas moi ?

 

 

Vinyle ou laser, tu poses la question du disque physique versus le streaming.
Le disque, c’est important. Même le livret, sur lequel tu as tiré à boulets rouges…

… parce que la version française était indigne du contenu sonore…
… je ne suis pas sûre que ça touche tant que ça de gens. Beaucoup m’ont dit : « Ben, pourquoi je l’achèterais puisque je peux le télécharger ? » Certains ont ajouté : « J’ai plus de lecteur CD ! »

Tu t’es sentie un peu comme les mamies qui essayent de refourguer des VHS ?
Roh, non ! Mais on est bien d’accord que la diffusion physique de ce projet si important pour moi et pas si stupide à l’égard du répertoire musical, ça va rester anecdotique. En revanche, je trouve intéressant d’être la première à enregistrer la sonate de Joseph Ryelandt et de la rééditer. Ça pourrait devenir une référence…

Actuellement, c’est la référence.
Parce qu’on est les seuls ? Mais, tu sais, techniquement, ce n’est pas une sonate si difficile que tu le crois. Par rapport à la sonate de Clarke, c’est infiniment plus facile. À 15-16 ans, un bon élève peut jouer ça sans problème.

C’est peut-être « facile », toutes proportions gardées, mais c’est courageux. Les programmateurs risquent de ne pas voir l’intérêt d’encourager la diffusion d’un compositeur inconnu…
C’est bien une réflexion de Français ! Et les Belges, t’y penses ? Plus généralement, on n’a pas tant que ça d’œuvres post-romantiques de qualité à notre disposition, nous, les altistes. Sinon, faut qu’on pique du répertoire aux autres. Qu’est-ce qu’on va jouer ? La sonate de Franck pour violon, que l’alto s’accapare en la laissant dans la tonalité sans transposer ? Merci, y a pas que ça !

 

« C’est qui, l’autre ? »

 

Ce disque, c’est une manière de célébrer ton indépendance, non ?
En quel sens ?

Tu produis ton travail qu’est 1919, tu enseignes via ta méthode en cours de formalisation, et tu te considères comme une femme qui en a marre de la supposée domination masculine.
Ha ha ha ! Tu crois que je suis ça ?

C’est ce que le livret de 1919 exprime, me semble-t-il.
Tu lis bizarrement, peut-être…

 

 

Posons cette hypothèse, et concentrons-nous sur ta pratique de la pédagogie élargie. Pour toi, enseigner va de pair avec la pratique de l’accupressure, de la psychothérapie, de la naturopathie, de…
N’oublie pas d’ajouter l’intégration des réflexes primordiaux. C’est ma dernière découverte ! Ça va changer les dix prochaines années de ma pédagogie parce que c’est absolument génial.

Comment articules-tu ces différentes propositions, inspirées de thérapies alternatives, dans ta pratique pédagogique ?
Peut-être comme beaucoup de profs investis dans leur travail : en en faisant une affaire personnelle. Intime. Structurante. Je suis sorti du Sup’ de Lyon avec une bonne confiance en moi, et je suis sorti de mes années avec Tabea Zimermann avec une mauvaise confiance en moi. Sans le vouloir, Tabea m’a cassée.

Que s’est-il passé ?
La situation a beaucoup joué : on avait très peu d’écart d’âge ; ce qu’elle faisait me semblait absolument inaccessible ; je ne voyais pas ma place en tant qu’altiste à côté de ce monument. Je suis sortie de cette formation complémentaire en étant assez traqueuse. Dès lors, pour moi, les concours d’orchestre sont devenus plus que difficiles. Je jouais bien mais, sous la pression, mes moyens n’étaient pas au niveau de mon potentiel. Donc j’ai été obligée de chercher pourquoi ou de quoi j’avais peur quand je suis sur scène. De mal jouer ? Non. Alors, de quoi ? Du jugement de l’autre ? de qui ? C’est qui, l’autre ? mes parents ?

 

« On ne fait pas un CD pour les autres, c’est pas vrai »

 

Tu as trouvé des réponses dans l’EFT.
Oui, cette technique des tapotements fondée sur le rééquilibrage énergétique et émotionnel s’est révélée trrrès efficace. Elle fonctionne comme un couteau suisse. Tu peux l’utiliser dans plein de cas. T’as mal à la tête, tu l’utilises. T’as peur pour un truc, tu l’utilises. T’es énervé par un collègue, tu l’utilises. Et l’intensité des sensations désagréables descend de 8 à 6 en trois minutes, de 6 à 4 en quatre minutes, c’est quand même très appréciable ! En plus, dès que tu as appris la technique, tu peux faire ça tout seul. Ce n’est pas une substance chimique, donc tu ne te détruis pas et tu n’es pas dépendant…

 

 

Bah, on peut être dépendant à autre chose qu’à des pilules…
… sauf que, là, tu n’es dépendant ni d’un dealer, ni d’un thérapeute ! Par exemple, tu peux te faire une séance directement avant d’entrer en scène. Si on peut supprimer la souffrance par cette technique, mais, bon sang, qu’est-ce qu’on attend ? Regarde : j’ai fait de la musique de chambre avec des musiciens de la Philharmonique de Berlin dans leur propre salle. Donc, eux, ils étaient immensément stressés parce qu’ils jouaient chez eux. Et moi, avant d’entrer sur scène, j’ai senti qu’ils étaient super nerveux. J’ai trouvé ça fou. C’est tellement prouvé que, s’ils sont là, c’est qu’ils sont excellentissimes !

Mais ils faisaient leur Marion Leleu au carré : je suis dans mon domaine, je suis excellent et en plus je joue à domicile… On comprend le stress, non ?
Quand t’as pas le droit à l’erreur, forcément, t’es sous pression.

Et toi, t’étais relax ?
Bah, non, bien sûr, j’étais très stressée. Toutefois, en les voyant, je me suis dit : « Héhé, mais, moi, je ne suis pas d’ici ! Moi, j’ai le droit à l’erreur ! » Et tu sais quoi ? Je suis entrée sur scène en ayant conscience que j’avais le droit à l’erreur. Je crois que c’est ça qu’il faut faire : entrer sur scène en ayant droit à l’erreur. Parce que, en fait, t’es libre. On s’en fout, de la perfection ! Et ça marche pour mon CD. Quand j’ai vu que tu me tirais dessus, je me suis souvenu de ma philosophie, qui est : « Je dis pas que j’ai fait un truc parfait. Ça vous plaît ? Super. Ça vous plaît pas ? Ben, tant pis. »

Précisons que mes réserves portaient sur la version française du livret, pas sur le contenu du CD. Or, c’est évidemment l’essentiel, cette volonté de partager ton savoir-faire, ton talent, tes découvertes et ton envie au curieux qui a la chance de découvrir 1919
Bon, à ceci près qu’on ne fait pas un CD pour les autres, c’est pas vrai. J’ai fait ce disque parce que je pensais que le programme était palpitant. Je l’ai fait pour mon père, qui est décédé un an avant, et qui m’a donc offert les fonds nécessaires pour financer le projet. Je l’ai fait pour Jean-Philippe Vasseur, mon ancien professeur, décédé lui aussi en 2021, qui m’avait appris la sonate de Hindemith et m’en avait montré la beauté. Mes projets sont très émotionnels. L’envie n’est pas rationnelle : elle part forcément de quelque chose d’émotionnel. Et pas du tout, contrairement à ce que tu sembles subodorer, de quelque chose de stratégique pour ma carrière. Moi, j’m’en fous. Je sais que, demain, je peux être écrasée par un tram.

 

« Si c’est utile, il faut le faire »

 

Ha, ça m’rassure, je croyais être le seul à dire : « J’ai mis mon costume au pressing, si je meurs, récupère-le, j’ai payé pour son nettoyage ! » Mais, soyons sérieux, ton rapport à l’EFT et aux thérapies va plus loin. Tu es naturopathe aussi…
Psychologue naturopathe, plus exactement.

… tu fais du coaching, tu revendiques d’aider des gens face à des « personnalités narcissiques » ou des traumatismes d’enfance… Donc on est au-delà de la musique. Est-ce un arsenal technique que tu peux utiliser ou est-ce une mission qui aspire une partie de ton activité professionnelle ?
Bah, je vais te dire ce qui s’est passé. Au départ, je voulais juste aider les gens à mieux jouer de l’alto. Puis je me suis rendu compte que, parfois, leur expliquer comment il fallait mieux jouer était vain : pour qu’ils jouent mieux, il faut d’abord qu’ils aillent mieux. Donc, dans ma vie de pédagogue, la question perpétuelle, c’est : qu’est-ce qui gêne l’élève qui est en face de moi ? Est-ce qu’il ne sait pas assez bien tenir son archet, conduire son archet, poser ses doigts, je ne sais quoi ? En somme, a-t-il besoin d’une réponse altistique ? ou n’a-t-il rien compris à la pièce, et il a besoin d’une réponse musicologique ? ou n’a-t-il pas confiance en lui, ou est-il énervé contre un collègue et, donc, énergétiquement, y a plus rien qui fonctionne et il ne peut plus se concentrer sur ce qu’il fait ? En tant que pédagogue, je veux aider. Quand un élève souffre, je vois ce qu’il fait mais je vois beaucoup plus fort : je vois ce qu’il pourrait faire. Certains font du crincrin et, moi, je les imagine détendus, produisant un super son. Je les vois. Je les entends. Et je veux les emmener vers ça.

 

 

Tu leur dis ?
Mais jamais ! Je refuse de mettre mes élèves sous pression. Même dans mon école. J’ai confiance que chaque être humain a envie de devenir meilleur et que je n’ai pas besoin de le pressuriser pour qu’il y arrive. Donc, si tu fais une erreur, je l’accepte, je la pardonne… mais je ne m’empêcherai pas de la corriger. C’est aussi mon travail !

C’est un peu la philosophie de l’EFT, non ?
En quel sens ?

« J’accepte mon état tel qu’il est, et je vais travailler dessus » est l’un des mantras de cette pratique, non ?
Il est certain que l’on ne peut pas changer quelque chose sans l’accepter telle qu’elle est. Tu veux faire des travaux dans une rue ? D’abord, tu dois regarder dans quel état elle se trouve. Il faut accueillir ce qui est. On ne peut pas changer quelque chose que tu n’acceptes pas. C’est impossible.

Tu as conscience que, chemin faisant, tu froisses l’image archétypale du prof. Cette inclination pour l’EFT contribue-t-elle aussi à la spécificité de ta propre méthode, dont on parlait au début de l’entretien ?
C’est ce que certains me disent. J’imagine que c’est aussi pour ça que l’on me demande de former des formateurs. En 2021, on m’a aussi demandé de remplacer un « prof de didactique pour les cordes aiguës ».

Un prof de didactique, soyons clairs, c’est celui qui apprend aux profs à apprendre.
Je l’ai fait, et ça me passionne. Je trouve ça génial. Les étudiants sont d’un niveau exceptionnel. Ils jouent extrêmement bien. Et ils ont envie que je leur apprenne comment on peut apprendre l’alto à d’autres. Moi, j’avais l’habitude d’enseigner. Mais enseigner comment enseigner, c’est vachement intéressant !

Est-ce qu’il n’y a pas le risque d’empiler les couches ? Après enseigner, enseigner comment enseigner, OK ; puis enseigner comment « enseigner comment enseigner » ?
Et alors ? Si c’est utile, il faut le faire !


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