L’art de Sylvie Carbonel (Skarbo) – 4/24

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Première de couv du deuxième des disques rassemblés par le coffret Sylvie Carbonel fomenté par Skarbo

 

Le deuxième disque du florilège de Sylvie Carbonel – dont le nom est curieusement absent de la pochette – est un étrange donc intrigant attelage de musique française, enregistré en 1997 par Michel Blanvillain pour Quantum – au moment où nous écrivons ces lignes, un exemplaire est disponible à la vente ici. D’un côté, Emmanuel Chabrier (1851-1894), de l’autre Jacques Desbrière (1925-2021).
Du premier nommé, la pianiste élit les Dix pièces pittoresques qui s’ouvrent sur un « Paysage ». Cet allegro « non troppo » et « avec calme » en Ré bémol, déploie son charme grâce

  • au toucher habile de la musicienne,
  • à sa liberté de tempo, et
  • à son art de switcher d’une humeur à l’autre en caractérisant parfaitement les multiples mutations
    • de style,
    • de caractère et
    • de tonalité notamment.

Paradoxalement, le choix de nuances relativement uniformes – qui semble constitutif de l’art carbonélique – et peut-être la prise de son mate conviennent à cette interprétation, l’attention de l’auditeur se concentrant ainsi davantage sur les changements de couleurs. La « Mélancolie » en 9 et 6/8 alternés travaille joliment

  • les différents registres du piano,
  • le rythme donc le contretemps et l’esprit « senza rigore« ,
  • l’unisson et l’écho,
  • le statique et l’inventif

jusqu’au Sol final libéré des chromatismes qui ont habillé le lead – signe que la mélancolie peut être un état d’esprit sinon joyeux, du moins qui finit par être confortable.

 

 

Le « Tourbillon » reste ternaire avec son 3/4 souvent proche d’un 9/8, mais il exige d’être pris « con fuoco« . Pas de quoi effrayer Sylvie Carbonel, dont la dextérité n’est pas la moindre qualité. La tension entre

  • ternaire et binaire,
  • légèreté digitale et emportement tonique,
  • ivresse de la célérité et solidité des sforzendi

permet à la musique

  • de souligner la virtuosité de l’interprète,
  • de séduire par ses astuces rythmiques et
  • d’amuser par ses trouvailles facétieuses.

Le « Sous-bois » en deux temps est lancé par le moteur mystérieux de la main gauche. Une pédale insistante fait frémir les frondaisons où la lumière de la main droite étincelle grâce à un joli contraste avec les graves et une certaine liberté rythmique

  • (appogiatures,
  • contretemps,
  • ternaire dans le binaire et glissement de quintolets suivis par des triolets,
  • irrégularités dans la régularité de la main gauche parfois privée par le compositeur de sa première double croche).

Le jeu de Sylvie Carbonel

  • n’est pas expansif,
  • ne surjoue pas l’émotion du contact avec la nature et
  • s’abstient de tout épanchement dramatico-expressionniste.

Cela sied à cette musique plus habile et élégante que platement programmatique. Toujours ternaire, la « Mauresque » en la mineur va, elle, comme un gant à l’interprète : le travail sur

  • les touchers,
  • la pédalisation et
  • les contrastes de couleur

fait pétiller cette miniature avec les caractéristiques requises :

  • soin,
  • charme et
  • légèreté.

À suivre !