L’art de Sylvie Carbonel (Skarbo) – 18/24
L’influence posthume de Brahms est réputée avoir animé le jeune Arnold Schönberg, alors qu’une partie de la musique faisait sa transition vers les multiples formes d’atonalité. C’est sans doute pour cette raison que les Drei Klavierstücke op. 11, composées en 1909, douze ans après la mort du barbu, ont été choisies pour compléter (un peu) le huitième disque du florilège de Sylvie Carbonel qu’ouvrait le Trio pour clarinette en la.
Le premier mouvement (comme le deuxième) est siglé « Mäβige », soit moderato.
- Toucher délicat,
- travail sur le tempo et
- contrastes
- (nuances,
- attaques,
- pédalisation)
offrent l’occasion de goûter un chromatisme délicieusement mystérieux, voire mystérieusement délicieux, ça marche dans les deux sens. La pianiste travaille en coloriste presque debussyste, plantant ainsi un décor intrigant à souhait.
Le deuxième mouvement se lance en 12/8, avec une main gauche habitée par une pulsation contrariant à l’oreille le ternaire de la partition.
- Ritendi,
- points d’orgue sur les silences et
- variété des durées
submergent largement le cadre de la mesure. Sylvie Carbonel excelle
- à rendre substantiel le ronchonchonnement de la basse,
- à polariser l’écoute sur l’ouverture des aigus et
- à ouvrir l’oreille de l’auditeur à la complexité sexy de l’harmonie.
Le compositeur se délecte de l’association entre
- formules récurrentes,
- transformation des leitmotives,
- suspension du discours et
- chemins de traverse qui ne délitent pas l’unité mais la font pétiller d’étincelles ou de trouvailles, comme l’anecdote donne chair à la factualité historique.
Rien d’abstrait dans cette musique bien qu’elle ne soit pas faite pour MFM ou son alter ego, Radio classique. Comme s’il fallait bien secouer cette atmosphère méditative, le dernier mouvement s’annonce « bewegt » (agité).
La partition oscille entre deux et trois portées. L’incipit éclate de partout, mais le jeu aussi aisément aérien que tellurique de Sylvie Carbonel souligne bien les saillances (faut tenter) de la composition, et notamment la variété
- des attaques,
- des nuances,
- des dynamiques et
- des tempi.
En effet, l’énigmaticité du propos se nourrit des
- explosions,
- fusées,
- brutales accalmies,
- changements de registres,
ainsi que de la densité de cette miniature. La pianiste en rend moins le côté brahmsien putatif que
- l’inventivité des techniques utilisées et de leur mélange,
- la picturalité propice à l’imaginaire, et
- l’indécidabilité séduisante.
De quoi nous faire regretter à nouveau la brièveté du disque – remarque quantitative qui est autant un reproche pour l’éditeur qu’un compliment pour l’artiste !
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Le Cahier de musique de Jacques Desbrière
Franz Liszt – Totentanz
Franz Liszt – Sonate en si mineur
Franz Liszt – Deux harmonies poétiques et religieuses
De Bach à Granados – Un récital imaginaire
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Carl Maria von Weber – Sonate pour flûte et piano
Wolfgang Amadeus Mozart – Troisième trio K.502 et plus
Frédéric Chopin – Trio en sol mineur
Johannes Brahms – Trio en Si
Robert Schumann – Humoreske op. 20
À suivre !