La revanche d’une femme
Sophie Grimbert n’est pas rancunière, au contraire. Quand elle fait le bilan, calmement, elle est même capable d’être reconnaissante envers ceux qui ont détruit des pans entiers de sa vie et de ce qu’elle aurait pu être. Tout n’a pas été horrible – cela a contribué à empirer le drame, en donnant à la pas-que-malheureuse des raisons de rester. N’empêche, la dame a de la suite dans les idées. Elle n’oublie pas, merci pour elle. Elle réfléchit. Se reconstruit. S’autonomise. Trie, teste, choisit ses mots. Raconte moins sa vie en tant que suite d’événements que ce qu’elle a vécu en tant qu’enchaînement de ressentis. Vise juste pour n’avoir point besoin d’expliquer. Pas de sous-titres redondants, de coups de Stabylo pour lecteur un peu concon, de modes d’emploi lourdingues. Des faits, des émotions, et l’évidence qui en sourd, cette sorte de lumière qui, à elle seule ou presque,
- démonte les mécanismes,
- rend limpide l’opaque et
- désosse les carcasses les plus solides qui
- emprisonnent,
- ensuquent et
- étouffent.
Donc Sophie Grimbert a attendu de se sentir
- assez forte pour mettre les points sur les I,
- assez pondérée pour rugir doucement et
- assez sereine pour raconter son histoire stupéfiante – à laquelle j’ai prêté une main ou deux.
42 ans durant, elle a vécu sous la coupe de la Société Watchtower, structure chapeautant les Témoins de Jéhovah. À mots comptés, avec quelques ellipses pudiques et prudentes, elle raconte, pêle-mêle, l’emprise mentale, le contrôle social, les limitations qui sclérosent les individus, bref, le travail
- insidieux,
- spectaculaire,
- sournois et
- ravageur
d’un tourbillon illustrant à la fois le danger des fanatismes et la difficulté de lutter contre les effets pernicieux des organisations religieuses dont la dimension autarcique s’apparente à des mécanismes sectaires. Mais l’auteur chante aussi ces rêves que la foi puis la prison morale n’ont pu briser. Elle chante Céline Dion, elle chante l’amour, elle chante les désirs (intellectuels, sexuels, sociaux), elle chante le houla-houp de l’espérance et la possibilité d’aller plus loin que l’horizon – après tout, la Terre est ronde, on ne risque pas de tomber de l’autre côté.
Le résultat est une ruade bienvenue dans une société qui s’écrase devant les intolérances religieuses en prétextant le respect même si, en l’espèce, ce « respect » n’est rien d’autre que le pseudonyme de la lâcheté la plus nauséabonde ou celui, guère préférable, de la complicité docile avec les loups menant les moutons en ponctionnant
- leur laine,
- leur chair et
- leur âme.
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