Kyra Steckeweh, « Compositrices », Institut Goethe, 12 juin 2018

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Photo : Rozenn Douerin

Musique et féminisme font-ils bon ménage ? Dans une tenue curieuse aux francs accents SM, Kyra Steckeweh posait la question depuis son piano, pour ce dernier épisode de la saison de « Classique en suites », ensemble de concerts mensuels fomentés certains mardis soirs par François Segré et l’institut Goethe. La problématique est simple : jusqu’à présent, dit en substance l’artiste, je n’ai joué que des mâles ; place aux compositrices – sujet d’un film qu’elle vient de réaliser.
Les musiciennes convoquées ce soir sont représentatives de différents courants d’écriture allant du début du dix-neuvième siècle (Fanny Hensel et Emilie Mayer, nées en 1805 et 1812) au premier tiers du vingtième siècle (Lili Boulanger et Mel Bonis, mortes en 1918 et 1937). Il s’agit de belle et bonne musique, de facture agréable – ce qui n’est pas une insulte. Kyra Steckeweh, pianiste aux doigts solides, choisit de jouer ces œuvres assez uniformément, avec un mélange égal de maintien et de sérieux qui exclut tout sentimentalisme ou toute prise de risque « spectaculaire » susceptible de causer des frissons en exacerbant la virtuosité exigée. Dans cette interprétation paisible, quasi didactique, l’on voit folâtrer les fantômes de quelques références masculines (çà et là, Debussy, Brahms et Schumann pointent ainsi le bout de leur barbichette), parfois dévergondés par une plume inventive, parfois sédimentés par une langueur contemplative, parfois assombris par une sourde colère (« Thème et variations » de Lili Boulanger, la grande pièce du soir à notre pas humble goût).

Photo : Rozenn Douerin.

Tout nous passionne-t-il également ? Avouons que non : en dépit du plaisant savoir-faire, le mois de « Juli » 1841 de Fanny Hensel et certains moments de la Sonate d’Emilie Mayer nous semblent quelque peu longuets et, disons-le, trop mignons pour être touchants. Seulement voilà : nous n’avions jamais ouï, non, ces compositrices auparavant.  Si, donc, la relative uniformité de certaines pièces et le hiératisme de l’interprétation font parfois regretter que musiques et musicienne n’osent pas puiser davantage dans la liberté du sentiment ou la folie de l’émotion, l’on goûte néanmoins la découverte de compositions qui, pléonasme mais bon, nous étaient inconnues.
Cette mise en lumière, fût-ce sous un prétexte féministe qui peine à nous intéresser en soi, conclut une saison riche sur de jolies notes festonnant à souhait. Encore une réussite pour cette initiative qui renaîtra le 25 septembre sous les doigts de Christian Chamorel. À bon entendeur, bon été !