Jean-Nicolas Diatkine, “Live à Gaveau” (Solo musica) – 3/3

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Quatrième du disque

 

Après deux extraits de son concert 2023 (croqué sur le vif ici, çà et même ), le sieur Jean-Nicolas Diatkine termine son premier disque en concert avec deux extraits de son concert parisien de 2021, captés par sire Étienne Collard en personne. Dans notre souvenance, la pluie et l’orage faisaient trembler la coupole de la salle Gaveau pile au moment du remix lisztien de l’Isoldes Liebestod, dans une conjonction géniale entre le cosmos et la musique. Pour mémoire, ce long thrène intervient à la fin de l’opéra quand Isolde meurt car elle ne veut pas vivre sans Tristan, qui lui-même vient de mourir dans ses bras (pour faire bonne mesure, le serviteur de Tristan meurt aussi sur ces entrefaites après avoir lui-même tué). C’est ballot, car le roi auquel était promise Isolde arrivait pour marier les deux lovers par le philtre enchaînés. Après un bref prélude

  • énigmatique,
  • sombre et
  • suspendu

comme il sied, le motif principal

  • est énoncé molto moderato,
  • se glisse à l’alto, et
  • passe en Si pour revenir au soprano.

Jean-Nicolas Diatkine trouve

  • le tempo juste pour être allant sans être confus,
  • la bonne respiration pour être retenu sans être guindé, et
  • les nuances adéquates pour rendre lisible – sans lui ôter tout mystère – une partition complexe
    • rythmiquement,
    • tonalement et
    • polyphoniquement.

On goûte notamment

  • la souplesse des arpèges,
  • la précision des touchers, et
  • la variété de touchers tour à tour
    • soyeux,
    • tendus et
    • explosifs.

Sont bien présents

  • l’emportement lisztien,
  • la ductilité wagnérienne et néanmoins
  • la distance diatkinienne dans le decrescendo final vers une mort étoilée (mais une mort quand même).

 

Jean-Nicolas Diatkine le 14 avril 2021. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Point d’applauses, après cette interprétation en concert d’une partition hérissée d’exigences de virtuosité, sans doute car l’interprète veut enchaîner au disque avec la Deuxième ballade de Franz Liszt où il entend nombre de thèmes ensuite remixés par Richard Wagner. C’est pourtant dans le grondement des dix-huit croches graves par mesure – donc plus du côté bruitiste que mélodique – que commence l’affaire en si mineur, trompeusement annoncée allegro moderato.

  • L’habileté de la pédalisation,
  • la différenciation des attaques,
  • la souplesse des mutations
    • (tempo,
    • couleur,
    • tonalité)

happent l’auditeur, saisi par une partition tiraillée entre

  • ruptures,
  • itérations et
  • secousses.

Sous les doigts impressionnants du concertiste, l’allegro deciso est

  • martial mais bondissant,
  • rythmique mais secoué de traits,
  • solide mais agité à droite comme à gauche.

La tension électrise le discours puis se rétracte, amenant à un allegretto éclairant un précédent motif et s’éteignant à son tour avant que le premier motif ne réapparaisse. Avec aisance et attention, Jean-Nicolas Diatkine suggère

  • la houle,
  • le tonnerre,
  • l’apaisement,
  • les rais de lumière qui pointent le bout de leur frimousse après que le gros temps s’est déchaîné, et
  • le bonheur de l’instabilité qui rend possible à tout moment – même dans le lyrisme d’un allegro moderato – le jaillissement, le surgissement et l’éclatement.

Accompagnent la réexposition finale du thème principal

  • accélérations,
  • précipitations et
  • « grandioso ».

Avec son indéfectible délicatesse, l’interprète ose

  • la fougue,
  • l’emballement,
  • le brio mais aussi
  • la tendresse d’un ultime andantino.

Enthousiasmant.


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