Jean-Nicolas Diatkine, « Live à Gaveau » (Solo musica) – 1/3
Plus de vingt ans après son premier disque, Jean-Nicolas Diatkine ose publier un enregistrement en concert, gardant ainsi trace de deux concerts donnés dans une salle qu’il connaît et s’apprête à retrouver le 16 décembre à 20 h 30. Ce n’est pas rien et, pourtant, la proposition s’ouvre sur six « petites choses » parmi les vingt-cinq bagatelles griffonnées par Ludwig van Beethoven. Le recueil opus 126 place en tête un andante, ternaire en Sol, à jouer « con moto cantabile e compiacevole ». Le concertiste en rend la tension entre
- retenue et allant,
- liberté et mesure,
- foucades et itération.
Lui succède un allegro binaire en sol mineur, cette fois. Là encore, les ruptures de caractère exigent de l’interprète qu’il sache
- changer de toucher en un clin d’œil,
- caractériser chaque bribe par une intensité spécifique et, sur la durée,
- créer
- un liant,
- une unité,
- une résonance commune
qui rendent raison des contrastes si beethovéniens qui lui sont proposés. Le second andante, « cantabile e grazioso » et en Mi bémol, lui, est ternaire comme l’était le premier. L’interprète y est particulièrement attentif à la complémentarité entre
- une première partie verticale,
- une partie centrale rubato et
- une dernière partie « à l’italienne » (accompagnement à gauche, ligne mélodique à droite).
La mi-parcours franchie, se présente un presto canaille en si (mineur puis majeur puis re-mineur).
- Doigts décidés,
- vigueur des accents et des puissantes notes répétées, et
- clarté des unissons
drapent de musicalité une miniature à la fois
- déliée,
- narrative et
- joliment complétée par la quasi barcarolle majeure, entre charmeuse et mystérieuse.
Un quasi allegretto en Sol et six croches à la mesure offre à l’auditeur
- la joie du balancement doux,
- le plaisir de l’agogique délicat qui suspend la phrase pour l’éclairer et la laisser respirer, et
- la dramatisation bienvenue qu’apportent, çà et là, des crescendi et des piani subito de toute beauté.
La dernière bagatelle illustre la ligne de force du recueil – cette confrontation, dans chaque pièce, entre des pulsions ou, selon les petites choses, des inclinations contradictoires. Il s’agit d’un presto (en ouverture et conclusion) et d’un andante « amabile e con moto ». Donc un truc qui va super vite mais pas longtemps, et un truc qui va lentement mais un peu vite quand même. Jean-Nicolas Diatkine fait droit à ce miroitement sans céder à la caricature.
- Face à la fureur du prélude, l’andante évite le mignon pour privilégier le swing très vite doublement ternaire (trois temps avec chacun un triolet) ;
- face à l’évidence du développement, l’interprète cisèle les zones de mutation par des choix pensés et néanmoins sensibles
- de phrasés,
- de nuances et
- d’accentuations ;
- face à l’unicité du tempo, le pianiste travaille
- l’élargissement de la mesure,
- les mutations de couleurs, et
- la manière de poser le retour d’un thème déjà souventes fois entendu par
- un léger ritendo,
- une petite respiration ou, par exemple,
- un toucher différent.
Un premier épisode
- captivant,
- audacieux et
- joliment tourné.
À suivre !
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