Jean Guillou, “Colloques et répliques” (Augure) – 6
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celle des colloques 5 et 6,
celle du colloque 7 et
celle des colloques 8 et 9.
Au programme de cette dernière chronique du coffret Colloques & Répliques publié par Augure : le récit du dixième colloque et le double complément offert aux dix colloques, en l’espèce les deux versions de Répliques.
Colloque n°10
Il y a quelque chose d’entourloupant à présenter ce « colloque » comme le dernier. Certes, il l’est objectivement, non ontologiquement. Ce nonobstant, sa nature est d’être un colloque parmi d’autres ; c’est la mort de son compositeur qui lui a conféré a posterior son statut. Pour autant, il serait absurde de nier que l’aura funèbre de l’œuvre ultime, dans la polysémie de l’épithète, flotte sur la pièce. Son instrumentarium étrange y participe. Commandé par le trompettiste Thierry Caëns, créateur du concerto pour orgue et trompette du même compositeur, le dixième colloque ajoute à l’orgue une kyrielle de trompettes (piccolo, en si bémol, en mi bémol, en ut) dont une soliste, un cornet, un bugle et des percussions (tam-tam, toms, chimes, gong, cymbales et timbales). Autour du compositeur, sous la direction de Thierry Weber, des souffleurs de renom (Thierry Caëns, donc, le désormais sulfureux Guy Touvron, Bernard Soustrot, Nicolas André, Konradin Groth, Antoine Curé et Florian Varmenot) côtoient deux percussionnistes, Didier Ferrière et Nejm Si-Mohamed.
Nous sommes le 9 avril 2016, à la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, lors de la création de l’œuvre, d’autant plus importante que, avec un tel effectif, elle avait peu de chance d’être souvent jouée par la suite. L’orgue est un palimpseste initié en 1740, secoué par des reconstructions, des restaurations-reconstructions, des restaurations et dernièrement sérieusement dépoussiéré par un relevage effectué par Michel Jurine depuis 2021, prolongé pour approfondir les travaux notamment de tuyauterie et visant une réinauguration courant 2024 (le plein jeu a symboliquement été réinstallé ce 28 avril 2023). C’est cependant la trompette qui lance l’affaire en solo.
- Détaché,
- résonance,
- énergie :
nous voilà précipité au cœur de l’histoire. L’orgue répond, massif et ondulé, suivi par le chœur des souffleurs placé sous la surveillance du trompettiste soliste dont nul ne conteste la préséance.
- Phrasé,
- aigus sûrs,
- souffle
embellissent sa ligne complexe et hachurée. L’orgue ne manque pas de lui répondre derechef. Les peaux frappées travaillent le motif en écho aux tuyaux droits ou tordus.
- Suspense des tenues,
- surgissement d’événements sonores en explosion ou en tapinois,
- opposition des rythmes longs et des frappes incisives
animent cette association entre développement d’un motif (un gimmick sinon un riff, à l’échelle guilloutique !), ruptures et séquences enrichies par
- les variations de registration,
- le changement de périmètre de l’orchestration et
- l’usage des chimes.
Jean Guillou adjoint
- au ressassement la gourmandise de l’inattendu,
- à l’évidence de la synchronisation la liberté du geste,
- au rugissement de l’orgue les mutations d’intensité et
- au potentiel de la trompette seule l’exploitation généreuse de son instrumentarium.
Un solo de trompette et la réponse de l’orgue préparent le retour du motif structurant la pièce et le gros POUËT final.
Répliques
En sus des dix colloques, Augure propose les Répliques op. 75, une œuvre modulable pouvant impliquer, plus ou moins au choix, orgue de Barbarie, orgue positif ou piano versus grand orgue. Le label en propose donc deux versions : l’une pour orgue positif et grand orgue, l’autre pour orgue positif et orgue de Barbarie. Celle-ci met en scène Vincent Crosnier, disciple iconique du compositeur, associé à Pierre Charial à l’orgue de Barbarie. C’est cette complémentarité, avec les mêmes artistes, qu’ont entendue les curieux lors de la création en septembre 2010… et lors de la reprise, un an plus tard, toujours à Saint-Eustache – version qui est dorénavant disponible sur disque.
Prompt comme l’engin mécanique qu’il est (on pense aux folies de Conlon Nancarrow récemment publiées en coffret), l’orgue de Barbarie entame la conversation puis cherche à titiller l’orgue et sa tenue de pédale par
- des traits,
- des notes répétées et
- des accords agacés.
Les échos entre les discours des personnages s’emballent, se fracturent, se frictionnent, se répliquent, s’amplifient, s’enrichissent de variantes et de dérapages. La partition offre aux instruments
- lignes fragmentées,
- enchaînements cycliques,
- réminiscences de motifs et
- progressions d’accords réitérées jusqu’à ce qu’irritation s’ensuive.
Jean Guillou travaille avec métier
- le vaste spectre sonore du grand orgue,
- le recours aux idiomatismes toniques de l’orgue de Barbarie (dont l’effet mitraillette, toujours très efficace), et
- l’association ou la dissociation des individus aux prises (ainsi de la vaste cadence de l’orgue de Barbarie à l’approche du finale)
jusqu’au gros BRAOUM final. Une version alternative de cette même œuvre oppose Sarah Kim (grand orgue Bonato à trois claviers, achevé en 2013) à Jean Guillou (orgue positif) dans l’autre antre du maître, en l’église Sant’Anastasia de Villasanta. L’effet est évidemment très différent.
- Les attaques (la spécificité de celles de l’orgue de Barbarie rendent jaloux Vincent Crosnier, de son propre aveu),
- les sonorités et
- les effets
donnent davantage un sentiment de continuité entre les instruments aux prises.
- La complémentarité des sons,
- le changement de nature de la virtuosité nécessaire,
- le remplacement de l’exotisme par manière de synergie
justifient pleinement la publication de cette seconde version, moins surprenante mais plus vénéneuse que la première. Une manière tout à fait pertinente de clore un coffret incroyablement ambitieux et dont il faudrait être un mauvais coucheur ne jurant que par le divin Mozart interprété sur instruments baroques et pas trop fort pour ne pas juger
- son systématisme informé résolument captivant,
- son contenu musical souvent passionnant et
- son foisonnement toujours stimulant.
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