Jann Halexander raconte “Du Gabon à la Russie” – 3/3
Avec sa spontanéité coutumière et une pétillance qu’il cache parfois derrière une placidité amusée, Jann Halexander a accepté de se confier sur Du Gabon à la Russie, spectacle dont il donnera une représentation exceptionnelle ce mardi 16 mai 2023, à 19 h, en compagnie de sa duettiste Veronika Bulycheva. Quatre ans après la première de cette comédie surprenante, quelles perspectives pour cet objet… et pour les autres cordes de la lyre plus que de l’arc de l’artiste ? Le Franco-Gabonais nous répond à sa façon.
3.
L’avenir
Jann, clap de fin pour cette interviouve ! Nous avons évoqué dans une première partie la genèse de Du Gabon à la Russie ; dans une deuxième partie, nous avons esquissé son histoire et sa façon de résister aux événements du monde. Dans cette troisième partie, nous allons nous attarder sur l’actualité et l’avenir du spectacle qui, ce mardi 16 mai, à 19 h, au théâtre du Gouvernail, aura quatre ans… Pourquoi une soirée « anniversaire » ?
Pour remercier les gens qui ont vu, aimé et soutenu ce spectacle depuis tant d’années ; et, égoïstement, sans doute, pour fêter mon étonnement.
Peste, Jann-le-flegmatique est étonné ! Nous voilà tout chose…
Ha, quand même, ce n’est pas si fréquent qu’un spectacle tourne pendant 4 ans ! Ce n’est pas évident ! Soit, durant ce laps de temps, il n’a pas été autant joué que nous l’aurions souhaité, mais enfin, nous l’avons joué à Paris, en banlieue, en province et en Belgique. Nous en sommes fiers. Dès la fin du premier confinement, Veronika était partante pour reprendre du service, et nous avons joué Du Gabon à la Russie le 2 juillet 2020 au Gouvernail. En octobre 2020, à la veille du second confinement, nous l’avons repris au théâtre de la Clarencière, à Bruxelles. Quand le pass sanitaire était en vigueur, nous l’avons régulièrement joué dans des lieux privés.
Un choix différent de celui d’autres artistes plus, disons, précautionneux…
… mais un choix conforme à la même philosophie qui nous a toujours guidés : ne pas attendre le bon vouloir d’un gouvernement ou de professionnels de la culture bien-pensants pour jouer. Jouer, chanter, c’est notre vie. C’est notre métier. Surtout, c’est notre âme. Je veux chanter quand j’estime que c’est le moment et pas quand des gens pour qui nous ne sommes pas essentiels nous concèdent un petit créneau.
Dans ce spectacle, Veronika et toi jouez sur plusieurs cordes sensibles : la perception de l’autre, l’humour, l’émotion partagée, la convivialité du cornichon russe… Cela semble exiger une intelligence presque intuitive entre partenaires de scène. Dans cette perspective, la grande différence de vos univers artistiques personnels est-elle un atout ou une difficulté qui nourrit votre prestation ?
Elle et moi sommes totalement complémentaires. Déjà, d’un point de vue instrumental. Elle maîtrise la guitare, je maîtrise le piano. Elle chante en russe, je réponds en français ou en myènè. J’ai vraiment un immense plaisir à jouer et chanter ce spectacle.
Parce que, précisons-le pour ceux qui viendront le découvrir le 16 mai, c’est un spectacle de chansons et de théâtre.
C’est un spectacle musical, tout simplement. Il y a des saynètes, on joue nos personnages, on réagit du tac au tac… En fait, on raconte une rencontre entre deux humains. Une rencontre imprévue entre un homme né au Gabon et une femme née en Russie. Une rencontre qui, malgré cet imprévu, ne devrait rien avoir d’exceptionnel, mais que beaucoup trouvent incongrue, y compris les personnages… En réalité, je crois qu’il y a beaucoup plus de points communs qu’on ne le pense entre les Russes et les Africains. Quand je vois Veronika, je ne vois absolument pas une « femme blanche » et encore moins une Occidentale. Je vois Veronika.
Comment se passent vos échanges artistiques, après quatre ans de collaboration à éclipses ?
Avec Veronika, sur le fond comme sur la forme, on peut aborder des choses de façon frontale, cash, sans tourner autour du pot et sans se formaliser non plus. C’’est très bien. Elle me soumet une idée, je n’ai pas besoin de discuter pendant des heures pour savoir si son idée est bonne. Je sais qu’elle veut que ce spectacle soit beau, donc ses idées sont forcément bonnes. Pareil pour moi ! Il y a une grande confiance mutuelle. Et puis nos expériences respectives jouent. Veronika a été injustement sous-estimée dans le milieu chanson alors que son parcours est très impressionnant. C’est une grande dame de la chanson. Je me réjouis de son succès récent en solo à Limoges.
Quatre ans après la première, as-tu imaginé décliner le concept du spectacle en l’adaptant à d’autres rencontres improbables, donc intéressantes, d’artistes d’origines variées sur scène ?
J’ai fait davantage que l’imaginer ! Entre 2019 et 2021, j’ai tourné le spectacle Chants nomades avec le chanteur italo-suisse Claudio Zaretti, même si c’était davantage musical. On l’a joué à Lyon, Angers, Paris… Et avant Du Gabon à la Russie, entre 2008 et 2010, j’ai joué Rendez-vous secret avec Maïk Darah, un spectacle davantage théâtralisé, où un frère et sa sœur se retrouvent, échangent… On l’a joué au théâtre de la Reine blanche, au théâtre Darius Milhaud et aussi à Nanterre… Je dois confier que j’ai été profondément marqué par la beauté de spectacles comme Gémeaux croisés avec Anne Sylvestre et Pauline Julien, et Crime passionnel de Jean Guidoni. Ils ont montré qu’il y avait une place pour de vrais spectacles de chansons théâtralisées. Depuis eux, c’est officiel : on n’est plus coincés entre des concerts avec l’artiste seul derrière son piano ou sa guitare et les shows de Mylène Farmer ou de Jacques Higelin. Il y a un entre-deux tout aussi passionnant, à explorer. Je pense par exemple à Ma chanson de Roland, le spectacle qu’a joué Ariane Dubillard aux Déchargeurs en 2019 et que j’ai dû voir une dizaine de fois !
Et pour l’avenir ?
Pour l’avenir, non, je n’envisage pas de spectacle dans la même lignée dans l’immédiat. Peut-être dans dix ans, oui, j’aimerais que deux artistes reprennent nos rôles respectifs à Veronika et à moi…
Ce mardi, au théâtre du Gouvernail, tu fêtes donc les quatre ans du spectacle. Est-ce un chant du cygne ou la promesse d’un renouvellement et d’autres dates événementialisées ? Vingt ans de carrière, quatre ans de Gabon à la Russie… Est-ce le signe que tu es en train d’amorcer un nouveau cycle artistique ou que (les deux ne sont certes pas contradictoires), humainement, on en est en train d’assister à l’éclosion du nouveau Jann Halexander – en clair, à quand le nouvel album ?
Je dirais que je suis peut-être entré dans un nouveau cycle artistique. Donc, oui, il y a de nouvelles chansons ; mais tout cela est en cours de préparation et demande du temps. C’est compliqué et passionnant à la fois. Je suis superstitieux, donc je n’en dis pas plus !
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