Irakly Avaliani joue Robert Schumann (2009) – 5/8
Puisque, selon le narratif convenu, Schumann est Florestan et Eusebius, il ne faut pas s’étonner qu’écrire sur ses œuvres amène à dire blanc puis, avec la même fatuité, noir. Ainsi de ce Carnaval op. 9, sous-titré « Scènes mignonnes sur quatre notes » : il se fonde sur l’équivalent, selon l’échelle musicale, d’A-S-C-H, ville de naissance d’Ernestine, promise du compositeur et dédicataire du cycle. Sauf que les fiançailles ayant été rompues, le dédicataire a changé ; quant aux notes,
- elles sont changeantes (la – mi bémol – do – si, mais aussi potentiellement la bémol – do – si),
- leur nombre peut varier de trois à quatre, et
- elles ne sont pas convoquées dans chacun des vingt épisodes.
Le préambule en La bémol, « quasi maestoso », n’en fait nulle mention. Irakly Avaliani y fait montre d’une vigueur non feinte qui se déplie ensuite au gré
- de doigts déliés,
- d’octaves sautillantes,
- d’humeurs versatiles et
- d’un brio technique qui permet à la musique d’advenir.
« Pierrot », en Mi bémol et relativement « moderato », ouvre le premier duo du cycle puisque « Arlequin » lui répondra juste après. L’interprète en rend l’oscillation de funambule par des contrastes
- de nuances (ha, le mystère des piani avalianiens !),
- de touchers et
- de caractères
que les reprises amplifient. « Arlequin », en Si bémol, joue aussi sur
- le déséquilibre donc le mouvement,
- la volte-face donc la surprise,
- l’espièglerie donc l’insaisissabilité.
Prolongeant la dynamique ternaire et la tonalité de Si bémol, la « Valse noble » se goberge
- d’octaves délicatement phrasées,
- d’arpèges brisés,
- de chromatismes donnant de l’élan au mouvement,
dont l’interprète veille à souligner la savoureuse versatilité.
Le deuxième duo au programme s’ouvre avec « Eusebius », adagio dentelé que
- des astuces rythmiques
- (triolets,
- quintolets,
- septolets),
- des mouvements internes
- (changements de tempo,
- agogique,
- respirations) et
- des trouvailles d’écriture
- (accidents nourrissant le discours,
- harmonies parfois dissonantes,
- frictions rythmiques…)
ont le bon goût d’intranquilliser, et hop. Vaguement en sol mineur, « Florestan » revient à la pulsation ternaire pour exprimer ses
- foucades,
- emportements et
- mouvements d’humeur.
Autocitation schumanienne incluse, Irakly Avaliani veille à associer
- brusques mutations,
- caractérisations poussées et
- vision d’ensemble donnant à la pièce une cohérence non pas en dépit de sa pusillanimité mais, paradoxalement, grâce à elle.
« Coquette », toujours ternaire, toujours avec deux bémols au compteur mais en mode majeur, dépeint musicalement un personnage
- mutin,
- suggestif et
- alerte.
L’interprète nous délecte avec
- la légèreté de sa dextre,
- la pertinence de sa senestre tour à tour étouffée et claquante, ainsi que
- la clarté virevoltante de ses phrasés.
À suivre !
Pour retrouver les précédents épisodes, cliquer sur 1, 2, 3 ou 4.
Pour écouter gracieusement l’intégralité du disque, c’est ici.