Irakly Avaliani joue Robert Schumann (2009) – 4/8
L’interlude proposé par Irakly Avaliani entre les Pièces de fantaisie op. 12 et le Carnaval ? L’Arabeske op. 18, composée à Vienne en 1839, après que Robert Schumann a été fermement prié de laisser Clara tranquille. L’affaire commence dans un esprit « léger et tendre ».
- Nuances pianissimo,
- anacrouse,
- appogiatures,
- deux-en-deux et
- arpèges à la main gauche
sont exécutés avec la légèreté et la finesse requises. Aux ritardando habituels, le pianiste préfère l’élégance des contrastes très schumanniens entre allant et respiration. Irakly Avaliani aime ménager
- ce moment de suspension,
- ce point d’équilibre plus que de bascule,
- cet apex qui est encore la phrase précédente et déjà la phrase suivante.
Le passage en mi mineur illustre cette dilection. Le tempo plus lent donne l’impression d’être intimement habité par le musicien tant il est parcouru
- d’ondulations (thème
- à droite,
- à gauche,
- à l’unisson),
- de rebonds
- (accents,
- silences,
- notes en friction comme ce si bémol / la dièse donnant l’impression d’un sursaut), et
- de dérobades
- (accords arpégés fluidifiant l’harmonie,
- nuances faussement étales finissant par emballer l’énoncé,
- appogiature inattendue qui rend moins évident l’attendu).
Un interlude faussement apaisé point. Il est en fait perclus
- de questions,
- de modulations,
- d’expectatives incertaines,
et choisit de se raccrocher au thème liminaire, élu refrain du simili rondo. Le second passage en mineur, cette fois en la, n’est nullement geignard. Il garde du thème principal le swing du rythme pointé, cette fois confié à la main gauche.
- Tremplin des appogiatures,
- liberté des points d’orgue,
- efficacité de la marche ascendante de la main gauche
énergisent le fragment jusqu’à la modulation qui ramène au thème central.
- La délicatesse des piani,
- la sûreté de l’allant,
- l’air frais apporté par les respirations évacuant le risque de rengainisation – je tente – du sujet principal
animent cette dernière exposition intégrale jusqu’à la coda moins lente que suspendue – car, on l’aura compris, si l’opus 12 se caractérisait par sa tendance à l’association des contraires apparents, l’opus 18 s’efforce, sous les doigts de l’interprète, de saisir au vol les suspensions qui accompagnent la sinuosité des inspirations et les mouvements complémentaires des lignes mélodiques. Avec sa technique et sa musicalité quasi imparables (« quasi » car, s’il n’y avait pas ce suce-pince, on s’ennuierait, et c’est pas l’but quand on écoute de la belle musique), Irakly Avaliani laisse résonner
- les harmonies surprenantes de la première partie,
- la mélancolie envoûtante de la seconde, et
- le mystère du temps long retrouvé (point d’orgue créatif du dernier do grave inclus).
Ici palpitent encore les échos étouffés mais vivants du motif qui court sur l’ensemble de cette arabesque, dernière volute comprise. Le résultat étincelle de douceur énergique (et hop) mais non de mièvrerie dissimulée, et donne hâte d’écouter le Carnaval op. 9 puis d’en rendre compte !
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