Irakly Avaliani joue Frédéric Chopin – 5/6

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Première du disque. Visuel : Masha S.

 

Tout est relatif, comme disait Einstein qui était relativement pas con”, clamait Wally avec une once de lucidité. Ainsi des deux valses op. 64 qui encadrent le trio proposé par Irakly Avaliani, après

  • la barcarolle,
  • les nocturnes,
  • la polonaise-fantaisie et
  • les mazurkas

et avant la polonaise op. 53. Côté dramatique : le compositeur a cassé avec George S. un an plus tôt et il mourra un an plus tard. Côté moins dramatique : il dédie les trois valses à son élève la baronne de Rothschild (pas à madame Michu) et périt place Vendôme (pas avenue Roger-Salengro dans le neuf cube, au cul du périph’). Non, ça ne change rien à cette cochonnerie qu’est la mort, mais ça colore peut-être un rien le drame. Par respect pour cette circonstance funèbre, on omet de regretter un minutage annoncé sur la quatrième qui ne correspond pas au timing réel des pièces : parfois, un peu de pudeur ne nuit point, boudu, surtout pour ceux qui ont l’opportunité de découvrir l’art dont on cause sur YouTube et, donc, libéré des basses conditions matérielles du CD si importantes pour l’auteur, vieux, des lignes précédentes et suivantes.

 

 

La valse en ut dièse mineur op. 64 n°2 confirme l’envie d’Irakly Avaliani d’en découdre avec les tubes. Peut-on faire de la musique avec des sons qui sont (haha) censément déjà connus de tous ? L’interprète le démontre en travaillant les légèretés :

  • discrétion du ploum-ploum harmonisant de la main gauche,
  • énergie fugace des rebonds et appogiatures de la main droite,
  • art subtil d’équilibrer
    • tenue,
    • phrasés,
    • mordants
    • chromatismes et
    • notes répétées.

On est d’autant plus happé par

  • les traits,
  • l’agogique et
  • la modulation centrale.

L’aisance technique du pianiste n’est jamais démonstration mais bien plutôt

  • suggestion d’un courant d’air,
  • évocation d’une échappatoire au pragmatique, et
  • recherche de cette liberté qui nous manque à nous autres ensuqués sur la planète Terre.

 

 

La première valse de l’opus 70 en sol bémol majeur me renvoie à ma lutte avec une chanteuse à qui j’essaye d’expliquer que sa voix serait plus claire en la mineur qu’en la bémol mineur, tonalité dans laquelle je suis censé l’accompagner alors que, entre sept bémols et zéro, je prends la bulle. Six bémols, ici, dans les doigts d’Irakly Avaliani qui n’en a cure et délivre un “molto vivace” pas piqué des hannetons et cependant présidé par un souci de caractériser

  • les touchers,
  • les registres et
  • le rythme entre
    • pulsation régulière,
    • trilles habillant l’immuabilité,
    • triolets déstabilisant la rigueur et
    • appogiatures impulsant de nouveaux souffles.

Impressionnant : ça ne baragouine pas,

  • ça virevolte,
  • ça retient,
  • ça énergise et
  • ça rebondit.

 

 

La maîtrise de la pédalisation que l’on savoure ici sera de première nécessité sur le “molto vivace” de la première valse en ré bémol (seulement cinq accidents, une peccadille) de l’opus 64, dont le succès contribue à l’oubli de la troisième œuvre de la série. Le musicien y déploie

  • un jeu éthérique,
  • un groove à décoiffer un fan de funk et
  • une basse à la fois
    • précise,
    • présente et ce nonobstant
    • immatérielle.

Il y a de la sorcellerie dans cet art d’habiter

  • le clavier,
  • la division du temps et
  • l’insaisissable chopinien, et hop.

Quoi qu’il advienne avec la polonaise en La bémol qui nous attend pour la prochaine chronique, un hénaurme moment de l’album, à la fois

  • tubesque,
  • musical et
  • poétique.

 

À suivre…


Pour écouter l’intégralité du disque, c’est par exemple ici.