Herbert du Plessis joue Frédéric Chopin (Anima) – 5/7

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Première du disque

 

Pour le second disque de Créer un monde nouveau, Herbert du Plessis a choisi de troquer son Bechstein pour un Rönisch de 1920 restauré par l’atelier Baudry. À peine quatre mois après avoir gravé les deux cahiers d’études, il revenait en studio pour une seconde session d’enregistrement dont on découvre en premier lieu les préludes. Le pianiste y entend tout un monde baroque, imprégné par les suites pour violoncelle de Johann Sebastian Bach, portant un nom curieux car ne préludant qu’à l’imaginaire de l’auditeur, et assumant le paradoxe de constituer l’ouvrage le plus long de Frédéric Chopin bien qu’il soit aussi celui qui contient les pièces les plus brèves.
Pour lui, l’agencement des préludes incite à les interpréter deux par deux (ce qu’il fait en les regroupant par paire à chaque piste), ce qui est tonalement logique et sans impact notoire pour l’auditeur. Plus largement, la dimension magistrale de l’ensemble pousse à le penser comme un tout – un tout qui, du point de vue du musicien, pourrait être rien moins que le chant du cygne consciemment poussé par le compositeur. Ceux qui voudraient découvrir plus avant la vision et les arguments du pianiste n’auront d’autre solution que de se procurer le disque et d’en lire le très riche livret. Quant à nous, ainsi préparés par les soins du porte-voix de Chopin, passons à la musique…
.. qui, dès le premier prélude, nous emporte loin du Chopin à forte teneur mélodique puisque l’agitato en Ut privilégie le mouvement

  • (rythme,
  • dynamique,
  • souplesse).

Le lento en la mineur du prélude qui lui succède voire lui répond travaille le balancement de la main gauche qu’il agrémente

  • d’une ligne mélodique épurée,
  • de dissonances têtues et
  • d’un silence sonore

(la main droite peut rester tacet trois à quatre temps tandis que la main gauche poursuit son grondement inquiétant sinon menaçant). Le troisième prélude en Sol lance, vivace, une main gauche motorique à la poursuite d’une main droite concentrant une vague ligne mélodique et son harmonisation.

  • Légèreté digitale,
  • précision des inflexions d’intensité,
  • assurance d’une régularité rigoureuse

font crépiter avec maestria cette miniature. Le quatrième prélude en mi mineur est l’un des plus connus, peut-être car il est le plus simple à exécuter, et peut-être parce que sa construction (ligne mélodique et accompagnement) n’en fait pas le plus compliqué à capter sinon à comprendre.

  • Velouté du toucher,
  • richesse sonore des accords répétés et
  • absence de sursentimentalisation

contribuent à son charme. Le cinquième prélude, molto allegro en Ré, fonctionne en duo. Herbert du Plessis soigne

  • le souffle,
  • les contrastes et
  • l’énergie obstinée

que ces trente secondes concentrent. En si mineur, le sixième prélude renverse les rôles habituels : à la main gauche la mélodie, à la main droite l’harmonie et les notes répétées. On apprécie

  • la délicatesse de l’énoncé,
  • la clarté de la pédalisation,
  • l’attention au son et
  • le large spectre de nuances médiums

qu’y déploie Herbert du Plessis. Le septième prélude, qui fait partie des tubes pour des raisons sans doute similaires au quatrième, est un andantino en La.

  • Les notes sont posées avec précaution,
  • les accords sont moins histoire de marteaux que de dentelle,
  • le tempo semble plus une affaire de respiration intérieure que de battements par minute :

prenant. Le huitième prélude, un molto agitato en fa dièse mineur, exploite l’art

  • du déséquilibre,
  • de l’ostinato et
  • de la différenciation des registres

que l’interprète n’omet point de nimber d’une pédalisation appropriée. Le neuvième prélude, un largo en Mi,

  • explore le registre grave,
  • se goberge de modulations et, sous des airs faussent ingénus,
  • frictionne le très carré quatre temps annoncé
    • (triolets contre croche pointée + double voire triple,
    • appogiatures et trilles,
    • ritenuto).

Herbert du Plessis en rend plaisamment la solennité quasi audacieuse. Le dixième prélude est un molto allegro en do dièse mineur

  • frottant des traits descendants à des moments suspendus,
  • associant fusées aiguës à des pauses graves, et
  • veillant à ne pas vraiment résoudre l’histoire qu’il narre.

Le onzième prélude est un vivace en Si. Le pianiste en rend fort joliment la complexité charmante couplant

  • le balancement du ternaire avec
  • la p’tite bousculade qu’offrent les appogiatures, et
  • les suspensions de cavalcade qu’affectionne Frédéric Chopin dans ce recueil.

Le douzième prélude est un presto en sol dièse mineur. Le pianiste

  • en souligne la tonicité (notes répétées, perpetuum mobile, réflexes de la main gauche),
  • en sculpte les modulations délicieusement complexes et
  • en articule les cahots.

De quoi nous mettre en appétit avant la seconde partie du recueil qui fera l’objet d’une prochaine notule.

 

À suivre, donc !


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