Herbert du Plessis joue Frédéric Chopin (Anima) – 4/7

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Première du disque

 

Se demander

  • si les études de Frédéric Chopin sont des œuvres artistiques ou des compositions didactiques,
  • si elles visent à faire frissonner l’auditeur ou serrer les fesses de l’interprète, voire
  • si elles ont pour objet d’éblouir l’âme ou de sidérer le spectateur

est évidemment par trop dichotomique. Évacuer la question serait néanmoins inopportun tant le compositeur semble aspirer à tenir les deux bouts de son projet. En témoigne la septième étude de l’opus 25, en ut dièse mineur et trois temps. Un prélude monodique s’enchâsse dans une mélodie confiée à la main gauche. Herbert du Plessis excelle à restituer

  • la liberté sous la contrainte,
  • la respiration sous la mesure,
  • l’élégance sous le défi technique.

On ne peut qu’être saisi par

  • l’art d’amener naturellement les modulations grâce aux justes accents,
  • la perfection stupéfiante des phrasés, et
  • la maîtrise de la pédalisation.

D’emblée, la huitième étude, un vivace en Ré bémol, deux temps officiels et 12/8 réel, saisit par les choix scrupuleux d’interprétation

  • (toucher molto legato comme l’exige le compositeur,
  • nuance mezza voce inscrite sur la partition,
  • rigueur du texte embellie par le feeling qu’incarnent
    • les mutations d’intensité,
    • les variations de toucher et
    • le rebond entre agogique et métronomie).

Sous les doigts experts d’Herbert du Plessis, la neuvième étude, un allegro assai en sol bémol mineur, tonalité vicieuse s’il en est, et en deux temps,

  • pétille,
  • virevolte et
  • semble s’amuser,

rappelant que défi virtuose et plaisir de l’écoute ne sont carrément pas contradictoires. La dixième étude en si mineur, à deux temps répartis en douze croches par mesure, exploite la dimension spectaculaire des octaves.

  • Chromatisme vigoureux,
  • intervalles répétés,
  • utilisation d’une large palette de registres,
  • brèves ruptures relançant l’écoute,
  • mouvements tantôt parallèles et tantôt inversés

contribuent à installer une tension lisztienne. La partie centrale, lente et en mode majeur, offre une respiration solaire, eh oui, à l’auditeur (l’interprète, lui, est toujours en prise aux octaves de la main droite qu’il doit lier et parfois éclairer d’une blanche). Le contraste avec le retour progressif du thème liminaire offre au piano de gronder à nouveau et au pianiste de briller par sa technique et sa musicalité

  • (touchers,
  • nuances,
  • phrasés,
  • gestion des respirations).

La onzième étude, en Ut et à deux temps (avec, surtout, vingt-quatre doubles croches par mesure), se décapsule sur un prélude trompeur – il est en majeur et il est lent, alors que, très vite, on bascule en la mineur dans un allegro con brio. Herbert du Plessis est à son affaire pour laisser sonner le thème martial à la senestre tandis que les petites saucisses de la main droite courent à pleine balle. On est emporté tant par l’apparent naturel de la virtuosité que, à nouveau, par la manière très fine d’amener les modulations

  • (agogique,
  • accentuation,
  • valorisation d’une note sensible).

Brièvement, les rôles s’inversent et la main gauche prend brièvement le relais de sa consœur. Ici comme ailleurs, en dépit de la profusion sonore, l’interprète privilégie la clarté au spectaculaire grâce à sa gestion

  • de la pédalisation,
  • des intensités variables et
  • des sforzendi égrenant ce qui tient lieu de mélodie.

La réunion des deux mains dans un même geste ultrarapide lance un finale échevelé où le rythme se complique joyeusement

  • (triolets de croches,
  • frictions de quatre doubles contre six,
  • trait virtuose en octave hors mesure pour finir…).

Dès lors, il était impossible à Frédéric Chopin de finir son second cahier d’études sur une pièce moins circassienne et pyrotechnique. Rendez-vous est donc fixé pour une douzième étude en do mineur, à deux temps, seize doubles croches par mesure et “molto allegro con fuoco”. Le pianiste parvient à faire émerger du bouillonnement digital une ligne mélodique sans pour autant négliger l’importance du crépitement.

  • Nuances,
  • jeux sur les spécificités des registres et
  • obstination gaillarde

aboutissent à deux mesures en majeur, conclusion réjouie d’un cahier redoutable pour l’interprète et impressionnant pour l’auditeur. Le premier disque de ce double album aurait dû s’arrêter là ; mais Herbert du Plessis offre un bis à ses auditeurs, en l’espèce les Variations en La (souvenir de Paganini). L’addendum contribue à l’idée selon laquelle, en composant ces études pour piano, Chopin s’est inspiré des études pour violon de Paganini. Œuvre de salon, non destinée à la publication, elle s’avance allegretto en 6/8 et en La. Le charme

  • de la mélodie matricielle,
  • du balancement et
  • des enrichissements rythmiques

est rendu avec

  • une précision,
  • un soin et
  • une poésie ravissants.

De quoi affermir notre hâte de rendre prochainement compte du second disque, incluant

  • les préludes,
  • quelques bonus et
  • un bis

formant un programme

  • gourmand,
  • ambitieux,
  • original et
  • subtilement agencé.

 

À suivre, donc !


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