Herbert du Plessis joue Frédéric Chopin (Anima) – 3/7

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Première du disque

 

Le deuxième cahier d’études de Frédéric Chopin a fait collection de surnoms pour caractériser chaque numéro de l’opus 25. « Harpe éolienne » et « Petit berger » ont ainsi voulu caractériser la première, à quatre temps (24/16) et en La bémol. Le charme harmonique de ces arpèges est ici serti dans

  • un toucher d’une légèreté non contradictoire avec des moments de tension douce,
  • une aisance technique qui assure la fluidité obstinée de la chose, et
  • un sens interne du rythme qui fait fructifier les tensions insidieuses entre groupes de six doubles à droite et groupes de quatre ou cinq à gauche.

L’interprétation se distingue par

  • une clarté roborative,
  • une simplicité apparente, et
  • une remarquable attention aux phrasés donc à la construction de l’espace sonore.

La deuxième étude, à deux temps (12/8) et en fa mineur, frotte l’affichage binaire du C barré avec le double ternaire des triolets de croches à droite et des triolets de noires à gauche. Surnommée « Les abeilles » ou « Le baume », décrite comme la « chanson douce d’un enfant endormi », elle déploie un presto dont Herbert du Plessis rend l’efficacité, l’énergie et l’élégance d’arabesque. Point d’effet vulgarisant le beau mais

  • une sonorité bien caractérisée à chaque main,
  • une maîtrise du flux textuel qui n’use qu’avec mesure et quasi science de l’agogique, et
  • une attention au texte qui, paradoxalement, donne la sensation d’une liberté euphorisante.

La troisième étude en Fa, à trois temps et quatre voix, a parfois été affublée du sobriquet de « Cavalier ». Cette cavalcade secouante saisit par une proposition particulièrement

  • groovy
    • (accents,
    • respirations,
    • délié des triples croches)
  • tenue
    • (tempo,
    • vision d’ensemble,
    • caractérisation des différentes phases) et
  • scintillante
    • (miroitement de la virtuosité,
    • irisation très naturelle des modulations,
    • unité du souffle faisant crépiter le piano).

La quatrième étude, à deux temps et en la mineur, est parfois dite « Paganini ». Elle sollicite le bondissement de la main gauche et le rebond des doigts. L’agitato n’empêche pas l’artiste

  • d’en dévoiler la musicalité grâce à de fines nuances,
  • de draper l’exercice techniquement effrayant d’une hauteur de vue presque amusée et
  • de parer l’ensemble dans la sonorité singulière d’un Bechstein de 1941.

La cinquième étude, à trois temps et en mi mineur, est parfois étiquetée « La fausse note ». Ce n’est pourtant pas des dissonances mignonnes que se goberge Herbert du Plessis, préférant concentrer son impressionnant tonus sur

  • un allant habile et entraînant
    • (régularité,
    • agogique,
    • relance),
  • une précision bluffante distinguant clairement, par exemple, les doubles croches d’attaque des appogiatures (ce qui permet de rendre raison de la variété des tremplins rythmiques, auxquels il faudrait ajouter l’énonciation non mesurée des nombreux arpèges de la main gauche, fragilisant avec art le cadenas de la mesure), et
  • un toucher assez poétique pour assumer la diversité du propos
    • (thèmes,
    • tonalités,
    • accentuations)

qui sublime la partie centrale, presque 100 % préwagnérienne. Le musicien dissout la difficulté dans

  • sa technique,
  • sa foi certes pas aveugle en la musique chopinienne et
  • sa capacité à déceler pour nous l’émotion pointant derrière le projet didactique qui chapeaute ces redoutables miniatures.

La sixième étude, en sol dièse mineur et deux temps, permet aux gourmands de travailler leurs intervalles de tierces, surtout à la main droite. La virtuosité ne fait pas dévier l’exécutant de son souci de musiquer. Aussi laisse-t-il entendre, par exemple

  • le souffle du vent,
  • le clapotis du ruisseau qui dévale à flanc de montagne et
  • le ronronnement serein de la main gauche évoquant un qui accompagne du regard la folle épopée.

Ces frémissements, ces suggestions, ces évocations ne sont pas loin de celer l’aspect fonctionnel de l’étude, en l’espèce plus morceau de bravoure pour très bon instrumentiste souhaitant exceller que morceau de concert visant à faire péter les bigoudis de ces dames et la sous-ventrière de ces messieurs. Dans le prochain épisode, nous achèverons de rendre compte de notre écoute des vingt-quatre études de Chopin… mais pas que – de l’art du suspense lourdaud mais conclusif.

 

À suivre !


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