Herbert du Plessis joue Frédéric Chopin (Anima) – 2/7

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Première du disque

 

Oxymoron ou mot réversible, l’étude version opus 10 de Frédéric Chopin peut être aussi bien considérée

  • comme un exercice de haute voltige proposé aux pianistes cherchant à perfectionner leur technique que
  • comme les tentatives de “créer un monde nouveau encapsulé dans le piano” d’un jeune compositeur inspiré par
    • la virtuosité des études de Niccolò Paganini, on l’a vu dans le premier épisode de cette recension,
    • l’extravagante technique d’un Franz Liszt à qui il a dédié le cahier regroupant ses douze premières études, et
    • la petite voix intérieure qui exige de s’approprier tant un genre que des passages obligés.

En témoigne cette septième étude en Ut et 6/8, qui envoie l’interprète à l’assaut d’une palanquée d’intervalles (et pas que des tierces et des sixtes) à peine dissimulés sous les apparences d’une toccata dont il est obligatoire de rendre, malgré la difficulté, la musicalité. Voilà pourquoi, par-delà son motorisme roboratif, et hop, la redoutable exigence technique doit être celée derrière

  • une maîtrise du toucher (diversité
    • des attaques,
    • des articulations et
    • des tenues),
  • un art de la nuance et
  • une précision permettant de faire sonner notammant, à la main gauche,
    • le chromatisme descendant,
    • la spécificité des notes longues et
    • l’énergie des sautes d’octaves qui animent bientôt la partition.

À cette étude davantage brillante et wow que chatoyante et envoûtante (il en faut) succède la huitième en Fa et en 4/4 (pas la voiture, tsss, tsss), obsédée par un point technique essentiel au pianiste : le passage du pouce, qui permet de jouer des traits dépassant les cinq notes. Sur un tempo démentiel mais très convaincant, Herbert du Plessis déploie les qualités attendues, que sont

  • la parfaite fluidité du phrasé, celle que les amateurs – même “grands” comme aiment à s’autoappeler les hobbyistes de bon niveau – et quelques pianistes égarés dans les milieux professionnels peinent à atteindre quand le passage du pouce s’effectue de façon très répétée et à grande vitesse,
  • un sens de l’accompagnement à main gauche qui agrémente sa fonctionnalité par l’optimisation de la partition
    • (tremplin des appogiatures,
    • efficacité des combos croche pointée – double croche,
    • accords accentués, selon le texte, de façon plus groovy que martiale ou pacyhdermique), et
  • l’élégance des synchronisations en mouvements inversés ou en parallèles, avec les accents-rebonds qui vont bien sans déstabiliser la liquidité du legato.

L’interprète envole cette salsa du démon par une aisance joyeusement vertigineuse faisant confiance

  • à la partition (en omettant d’en rajouter),
  • à l’auditeur (libéré d’effets et de clins d’œil lourdauds) et
  • au piano.

En effet, l’exploration des registres, aigus voire suraigus mais pas que, témoigne de l’excellente restauration d’un Bechstein modèle E de 1941 par l’atelier Baudry et est servi par une prise de son précise, semblant délaisser tout excès de réverbération, signée Cécile Lenoir, également créditée pour

  • la direction artistique,
  • le montage et
  • le mixage.

La neuvième étude en fa mineur et 6/8 propose de donner un avantage aux pianistes

  • ayant une main gauche géante ou
  • souhaitant essayer d’étirer leurs os jusqu’à l’extrême voire plus si affinités.

Herbert du Plessis en profite pour

  • faire ronronner le piano grâce à l’obstination de la senestre,
  • presque transformer l’étude en nocturne avec accompagnement à gauche et mélodie à droite, et
  • jouer avec les contraires apparents
    • (staccato versus sustain,
    • régularité versus agogique,
    • notes répétées versus accords en arpèges brisés,
    • sextolets versus quintolets, etc.).

Au jeu des surnoms, la dixième étude en La bémol et 12/8 a gagné celui de “La harpe”. On retrouve un accompagnement en arpèges brisés à gauche. Avec souplesse, le pianiste y fait

  • résonner une valse survitaminée,
  • tinter sa maîtrise de la pédalisation qui ne floute jamais les passages legatissimo ni n’atténue les staccati,
  • vibrer les modulations si chères au compositeur, et
  • courir les petits doigts tout en ménageant quelques habiles respirations dans cette course fofolle.

Ce moment scintillant précède la grande fête des arpèges fomentée par la onzième étude en Mi bémol et 3/4. Sans s’exonérer d’un souci de variété d’intensité, Herbert du Plessis y déploie

  • une saisissante articulation de l’espace sonore,
  • une capacité subtile à valoriser les notes qui font avancer l’harmonie, ainsi
  • qu’une savante souplesse
    • manuelle,
    • digitale et
    • rythmique.

Au fameux jeu des surnoms, la douzième étude en ut mineur et quatre temps a gagné, elle, celui de “Révolutionnaire” en référence à des hypothèses autobiographiques tournant autour du sort de Varsovie. En réalité, cet allegro con fuoco compense surtout une faiblesse du recueil : jusque-là, rien pour travailler en priorité la main gauche. L’interprète y démontre avec un mélange

  • de force,
  • d’évidence et
  • d’apparente simplicité,

que

  • trépidation n’est pas forcément précipitation,
  • vibrance du jeu pas forcément fortissimo ad libitum, et
  • défi technique pas forcément que démonstration circassienne.

Gageons que les douze études opus 25 – que nous commencerons à écouter dans une prochaine notule – contribueront à approfondir cette triple évidence hélas pas toujours vérifiée.

 

À suivre !


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