Guy Bovet joue Gregorio Strozzi (VDE-Gallo) – 2/2

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Première du disque

 

Alterner des œuvres solides pesant six à huit minutes et des danses plus légères et courtes : telle est la stratégie de bon sens adoptée par Guy Bovet pour nous faire apprécier le travail de Gregorio Strozzi. Aussi, après la quatrième toccata pour l’élévation, a-t-il enquillé six danses.
Voici donc une première courante aux jeux et ornements déliés, dont le dynamisme entraîne l’auditeur. Léger mais non moins charmant, le premier balletto redonnerait presque le sourire à un assuré de la Matmut essayant d’obtenir justice de cette compagnie dégueulasse.

 

 

La sixième courante permet à l’organiste de chercher des alliances de jeux à la fois

  • pertinentes,
  • contrastées et
  • originales.

Le deuxième balletto pétille ensuite avec la légèreté ad hoc, qui n’est pas contradictoire avec l’indispensable exigence de précision : on ne plaisante pas avec la danse, palsambleu. La septième courante, résolument flûtée, poursuit la démonstration d’un théorème organologique paradoxal selon lequel cinq claviers et cent jeux, par ma foi, ça l’fait, mais un orgue bien réhistoricisé, héhé, ça vaut aussi son pesant de noix de cajou ! En plenum, le voyage se termine sur le prime balletto habilement rythmé dans un esprit beaucoup plus follement Renaissance que pré-baroque.

  • La netteté d’exécution,
  • la richesse de la registration et
  • le sens du groove

rendent pleinement raison du potentiel joyeux de ce répertoire. L’air Euphonia et ses variations reviennent à des durées plus conséquentes voire conquérantes. L’écriture verticale de l’air n’exonère pas l’interprète de finesses de registration bienvenues. La première variation secoue tour à tour les saucisses des deux mains avec une préférence pour celles de la senestre. La deuxième renoue avec

  • une harmonie partagée,
  • des échos délicats et
  • une triple agogique :
    • celle des respirations aérant les mesures,
    • celle des variations de tempo exigées par la partition, et
    • celle des changements d’intensité qui donnent l’illusion de modifier la rythmique tout en la conservant.

 

 

La troisième variation se concentre sur les dialogues entre les motifs.

  • Le phrasé,
  • l’ornementation et
  • le chromatisme

n’en sont que plus importants. Guy Bovet, en roué habitué de cette musique, les soigne donc avant que l’air initial ne retentisse à nouveau en version brève. Dans sa première partie, le second caprice du livre (et curieusement seul choisi pour figurer dans l’anthologie, en dépit du titre du disque) fait vibrer la veine fugato de l’époque, explorée ici presque avec didactisme par l’interprète grâce à

  • des effets retard,
  • des touchers spécifiques et
  • des legato

éclairant le propos du compositeur. La deuxième partie célèbre la célérité et la troisième renoue avec le plaisir du ricercare dans un plenum festif veillant toujours à rester

  • distinct,
  • tonique et
  • allègre.

Trois danses s’immiscent alors. La première courante s’articule autour

  • de motifs,
  • de dynamiques et
  • de mouvements ascendants brisés

qui lui donnent un allant certain.

 

 

La troisième courante creuse davantage la veine du ternaire comme ingrédient qu’enrichissent les modifications de registration et d’ornementation aux reprises. La troisième gaillarde, « per concerto de viole », poursuit l’exploration des possibles sonores de l’orgue choisi par Guy Bovet. À une première partie binaire répond une deuxième partie largement ternaire. Une troisième partie, sous forme de strette, semble devoir conclure l’affaire avant qu’un largo n’offre une coda au chromatisme chatoyant.
Pour conclure son récital, l’interprète propose l’ample troisième toccata. Le début de la fin est triomphal à souhait, avec

  • grandes tenues,
  • ornements,
  • traits oscillant entre les deux mains.

Ensuite, le compositeur développe son inspiration autour

  • d’arpèges,
  • de triolets et
  • de réponses entre les deux mains.

Les variations

  • de registration,
  • de débit et
  • de caractère

soutiennent jusqu’au bout l’intérêt d’un récital

  • ambitieux,
  • varié et
  • honnête.

 

 

Car il ne s’agit pas tant de convaincre du génie d’un compositeur

  • guère plus inventif que moult autres,
  • sans doute moins fulminant qu’un Frescobaldi, l’ancêtre, et
  • à l’évidence moins armé en harmonie et créativité qu’un Froberger, le contemporain, un temps,

que de faire découvrir une musique rarement ouïe de nos jours et dont la diversité est à même d’éveiller la curiosité du mélomane au long d’un disque. Fichue performance, qui ne doit pas rien à la foi lucide de Guy Bovet !


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