Guitarp duo joue de Falla, Debussy et Ravel (Solo musica) – 1/3
Contrairement à ce que laisse entendre le titre du disque, il ne s’adresse pas au marché français (le livret cible les mélomanes germanophones et anglophones uniquement). Dommage, car il recense trois arrangements d’œuvres marquées par notre pays. L’un célèbre les débuts pianistiques parisiens de Manuel de Falla ; les deux autres hommagent, et hop, des compositeurs emblématiques de l’Hexagone. C’est le premier volet de cette fenêtre qui sera ici recensé.
Certes, l’on s’étonne que les arrangements – des Quatre pièces espagnoles de Manuel de Falla et des cycles suivants – ne soient pas signés, mais l’on a hâte de découvrir la version hispanisante from Italia proposée par le guitariste Maurizio Grandinetti et la harpiste Consuelo Giulianelli. Avec des titres aspirant, classiquement, à saisir la singularité de différentes provinces ou ambiances espagnoles, le cycle a lancé Manuel de F. dans le grand bal français. D’emblée, prévenons ceux qui ont dans l’oreille
- la puissance,
- la tonicité et
- l’énergie
d’une Alicia de Larrocha que, avec ce disque, ils risquent la bisque, et pas de hommard, ben voyons. À la furia des marteaux va s’opposer l’élégance un rien doucereuse d’un échange policé entre musiciens civilisés, grattant des cordes au lieu de les frapper.
C’est ce que laisse deviner « Aragonesa », le mouvement qui ouvre la danse. Les deux acolytes s’amusent à changer de rôles, comme les deux mains du pianiste, tantôt accompagnateurs, tantôt solistes. La précision des changements communs
- de tempo,
- de tonalité et
- de caractère
séduit sans encore tout à fait convaincre, le temps que l’oreille s’habitue : pourquoi la harpe, très guitaristique, plutôt qu’une seconde guitare ? sera-ce pour assurer une basse dont la résonance fait sens, en effet ? En réalité, pour créer une sonorité spécifique distincte de l’original, les complices semblent jouer sur la proximité quasi impressionniste des sonorités plus que sur leur complémentarité.
« Cubana », un moderato ternaire en La, travaille la complexité
- rythmique,
- harmonique et
- chromatique
sous l’apparente indolence du balancement.
- L’habileté,
- la musicalité et
- l’élégance
habillent la partition d’oripeaux moins puissamment coupés que dans la version originale mais pas moins soignés.
L’appropriation duettique de « Montañesa (paysage) » passe par un andantino tranquillo où la difficulté de nuancer les passages piano versus pianissimo tente de se compenser par
- la distinction du « chant bien en dehors » confié à la guitare,
- l’utilisation d’harmoniques,
- l’inversion des rôles fusionnant les sonorités,
- les octaviations guitaristiques des basses dans la coda, et
- l’efficacité chirurgicale des cordes grattées sur les passage marcato.
Dans « Andaluza », annoncé « vivo (très rythmé et avec un sentiment sauvage) », les complices jouent habilement
- les accents contre la puissance,
- le tuilage et l’unisson discordant contre l’univocité sonore, ainsi que
- l’échange de rôles contre la plate similitude.
Devant un travail aussi soigné, il faut sans doute que nous ayons un rien de snobisme compassé pour juger la chose
- joliment pensée,
- brillamment exécutée mais
- point tout à fait transcendante.
Vivement les prochains cycles français pour vérifier si, ces deux fois, la magie fonctionne !
À suivre !
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