Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 3/6
Il n’est pas si fréquent qu’écouter un disque nous permette d’enrichir notre vocabulaire. Étalons donc nos limites comme de la confiture, et avouons-le tout rond : nous ignorions qu’un poème composé à l’occasion d’un mariage s’appelle un épithalame. C’est aussi le titre de l’œuvre pour flûte et orgue manualiter (parfois renforcé par une basse ajoutée à la pédale par l’interprète) avec laquelle Giovanni Panzeca & friends ont choisi d’ouvrir leur récital René Gerber.
- Le balancement du 6/8,
- l’allant expressif de la flûte soufflée par Elisa Gremmo,
- l’inventivité discrète de l’harmonie
happent l’oreille d’entrée. Avec métier, le compositeur tâche de ne plus la lâcher en usant
- de contrastes d’intensités,
- d’alternance entre le lead de la flûte et de brefs interlude à l’orgue seul,
- de déclinaisons modulantes, ainsi que
- de questions-réponses et d’échos.
Le charme naît de cette simplicité qu’érige souvent René Gerber en étendard par opposition à maints de ses collègues confondant la musique avec une exigence absolue
- de virtuosité échevelée,
- de complexité effarante et
- de crissements crispants qui visent à libérer la musique de la tonalité aussi finement qu’une hystérique woke attablée devant un soft équitable et bio déblatère contre la pensée structurellement
- colonialiste,
- raciste,
- discriminatoire,
- sexiste,
- genrée et
- homophobe de la langue française.
S’ensuit Le Tombeau de Nicolas de Grigny, une tétralogie pour violon, trompette et orgue (Georges Migot avait composé en 1933 une pièce pour orgue seul portant le même titre). L’affaire s’ouvre avec une lente sarabande en Fa. Comme pour contrebalancer la pesanteur funèbre des accords répétés de l’orgue, Anaïs Drago octavie doublement son premier pizzicato – il est vrai que l’orgue donne lui-même l’impression de jouer une octave plus haut. Malgré la personnalisation de la partition,
- la chaleur de la trompette (qui, certes, rend peu perceptible la répétition du ré bémol aigu),
- le phrasé vibrant du violon,
- l’obstination de l’orgue et
- l’élégance de l’harmonisation
flattent l’écoute. Miniature encore plus mini, la comptine en Si bémol se joue « allegretto » et s’élance manualiter grâce à l’orgue. C’est une danse mimi tout plein, animée par le motorisme
- des notes répétées,
- des échanges entre les deux instruments solistes et
- du riff confié au clavier.
La berceuse en la mineur et en 6/8 sourdine les deux solistes, bien que la trompette sonne toujours aussi clair. Le dialogue est arbitré par l’orgue manualiter. Alors que la partition est accessible à un élève de premier cycle, on regrette que Giovanni Panzeca commette une faute d’attention dans son premier solo (le premier accord part nettement en retard). Néanmoins, chipotage mis à part, on ne peut pas ne pas frétiller devant
- les interversions de rôle,
- la fusion orgue et trompette dans l’accompagnement,
- la qualité du phrasé de la violoniste qui profite à plein de l’acoustique généreuse captée par Gianni Comoglio,
- la gourmandise coupable de la tierce picarde fièrement brandie par le cuivre en fin de bal, et
- les qualités de la partition (simplicité, lisibilité, harmonie).
La ronde conclusive est un presto en Fa à deux temps. S’il débute sur une faiblesse de montage (il semble que la prise précédente résonne encore au début de la piste), sa manière de mêler
- joie populaire,
- apport de la composition classique qui ne masque jamais l’énergie originale de la pièce,
- finesse des nuances et
- fin étrange, associant
- cadences,
- suspense et
- résolution
séduit.
Il faut donc supposer que c’est pour augmenter l’expressivité de la partition que les interprètes se l’approprient avec des libertés notables telles que
- l’octaviation,
- l’ajout de basse, et
- l’absence de sourdine à la trompette pour le finale.
Le résultat n’est peut-être pas toujours littéral, mais il propose un tombeau fort réjouissant… donnant d’autant plus hâte de découvrir la « Fête pour deux trompettes, deux trombones et orgue » qui nous attend pour la prochaine notule. En attendant,
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À suivre !