Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 2/6

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Première du disque

 

Le programme, entamé par un triptyque pour harmonium (et non « pour orgue », comme mentionné sur la quatrième du disque), se déploie avec une œuvre originellement conçue pour orgue par Nadia Boulanger, la Pièce sur des airs populaires flamands. L’énoncé solennel du thème « rythmé, lourd, pas trop vite », respecte l’exigence de lourdeur dont s’exonérait, par exemple, un Olivier Vernet préférant, dans l’album Musique sacrée à Monaco, l’énergie et l’allant qui ne caractérisent pas à proprement parler le passage… mais fonctionnent très bien aussi.
Dans cet incipit, la compositrice associe avec habileté la platitude consubstantielle au folklore (dont témoigne le mi répété de la basse) à la liberté qui se cache derrière le carcan à deux temps :

  • accélération à mitan,
  • instabilité rythmique (bientôt trois mesures « assez lent[es] » vont s’emballer en allant « un peu plus vite »), et
  • souplesse de la mesure (rien qu’en deux pages, elle associe
    • d’abord quatre noires rassemblées en deux temps,
    • puis trois blanches,
    • enfin deux noires).

La première variation s’ouvre sur un enrichissement brutal du propos :

  • harmonisation piquante en introduction,
  • opposition de timbres entre
    • tenues d’accompagnement,
    • aigus de la flûte de 4′ (selon la partition, ici, on croit entendre un 2 pieds, option qui n’a rien de saugrenue) et
    • jeu d’anche,
  • chant-contrechant nourrissant l’énergie du thème.

Des effets de boîte expressive semblent peut-être inutilement brutaux, à moins qu’ils ne visent à évoquer une chorégraphie encore plus plouc que typique. Il est vrai qu’ils sont parfois marqués sur un laps de temps très court – la version d’Olivier Vernet voyait l’organiste du Rocher s’en exonérer dans le détail, sans doute à raison, pour garder la ligne de la progression sans en compromettre la logique. L’harmonisation piquante revient en interlude avant la deuxième variation – un segment

  • ternaire,
  • mineur et
  • confié à la flûte 4 de la pédale.

 

 

Techniquement, c’est le moment le plus délicat du morceau, et cela se subodore très vite. En effet, le joli phrasé de la pédale côtoie hélas un accompagnement parfois hésitant, notamment quand, au moment de fermer la boîte,  Giovanni Panzeca paraît se rendre compte qu’il a oublié de l’ouvrir, provoquant

  • l’accent assez vilain du crescendo d’urgence,
  • un retard sur le déclenchement de l’accord de la main droite (3’41) et
  • une suite de scories, le temps que tout rentre à peu près dans l’ordre.

Même sans la partition sous les yeux, on croit percevoir des hésitations et un manque d’assurance, sinon d’aisance, qui ne doivent cependant pas occulter

  • l’équilibre,
  • l’intérêt et
  • le charme

des sonorités proposées sur un instrument plus petit que celui envisagé par Nadia Boulanger (les registrations sont proposées pour un trois-claviers). La troisième variation, binaire, revient avec un swing qui pétille après un passage méditatif.

  • L’allègement de l’accompagnement (la pédale se tait au mitan de la variation),
  • les effets d’écho et
  • le charme de l’harmonisation, tierce picarde comprise,

captent l’attention. On revient

  • au ternaire,
  • au majeur et
  • aux grands jeux

pour la quatrième variation, avec

  • pédale obstinée,
  • accents bienvenus sur les premiers temps et
  • faux retard

pour valoriser la cinquième variation qu’il faut jouer « vite ». On reste dans le côté bourrin de la musique populaire, mais il est ici magnifié par un tutti très convaincant et une brève coda envolante. De quoi alimenter la curiosité avant d’aborder le programme René Gerber ! En attendant,

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À suivre !