Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 1/6

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Première du disque

 

Le titre ne cherche pas à être catchy, mais le programme est bigrement alléchant. Construit autour de l’orgue, d’une part, et, d’autre part, de l’œuvre de René Gerber, lequel n’est pas inconnu de nos lecteurs, il ajoute à son cœur de set-list un prélude honorant le travail de Nadia Boulanger, prof de René Gerber, et un postlude de Bernard Schulé, compatriote et camarade de cours dudit René à Paris. Le disque est servi par un livret quadrilingue à la structure rigoureuse, pouvant justifier l’acquisition d’un disque physique et non d’une simple écoute en streaming par ceux que l’aventure tenteraient.
Les vingt minutes de Nadia Boulanger mettent à découvert le cinq cent vingt-deuxième instrument signé par le facteur Tambourini en 1966, puis restauré et agrandi en 2009 dans l’église Saint-Antoine de Piémont. Avec

  • trente-deux jeux,
  • deux claviers et
  • un pédalier,

il se présente comme un instrument équilibré, bien que l’on note la présence d’une trompette en chamade sur chaque clavier et au pédalier, détail qui correspond a priori au tempérament volontiers flamboyant des orgues italiennes. Rien de fanfaronnant, pourtant, dans le choix des Trois improvisations au programme, destinées à l’harmonium et donc manualiter. Dans le prélude, Giovanni Panzeca se sert d’un son

  • trapu,
  • décidé et néanmoins
  • flexible grâce à la pédale d’expression offrant autant de crescendi-decrescendi que d’accents parfois surprenants – ainsi, le mi bémol de la quatrième mesure, à 0’15, ne manque pas de faire sursauter l’auditeur (à la reprise du thème, à 0’55, cette particularité aura disparu).

L’interprète a probablement préféré une prise vivante à un montage léché : en témoigne la présence de scories, comme ce trébuchage – je tente le mot – presque dissimulé en appogiature, à 1’48, ou cet effet d’attente sur le mi bémol à 2’04 dont on ne jurerait pas qu’il s’inscrivît dans un choix d’agogique délibéré (le mi bémol en question n’est ni la note la plus haute, ni positionné sur un temps fort). Nonobstant ces détails parfois propres à la musique peu trafiquotée en postprod, la première modulation amplifie le geste par

  • l’arrivée de pédales, notamment de sol dièse à la basse,
  • l’accélération du tempo et, par contraste,
  • la baisse d’intensité sonore permise par la mutation de la registration conduisant à la deuxième modulation en decrescendo.

 

 

On se laisse porter avec curiosité par le tohu-bohu qui gagne via

  • les fluctuations de tempo,
  • les changements de registres et
  • les changements de registration.

L’écriture embrassante

  • (thème au soprano,
  • assise de la basse, et
  • accompagnement tour à tour parallèle et en mouvement inversé des voix de ténor et d’alto)

déploie une emphase dont la progressivité procède d’un savoir-faire compositionnel très habile. Une marche chromatique descendante prépare le decrescendo et l’extinction du thème dans un festival de changements de jeux (apparition des ondulants et du tremblant) et de nuances qui justifie le choix de l’orgue, doté d’une palette sonore plus large que l’harmonium.
Le « petit canon » qui suit se boit comme du petit lait, porté par

  • la registration douce,
  • le tempo « sans vitesse et très à l’aise », et néanmoins
  • la variété
    • d’harmonies,
    • d’atmosphères et
    • de couleurs suggérée par la compositrice et finement investie par l’interprète.

 

 

Le dernier volet de la trilogie affiche le titre paradoxal d’improvisation. Écrit dans la tonalité de mi bémol mineur, avec ses cochonneries de six bémols à l’armature, l’andante fait tinter les cloches au bourdon de la main droite, tandis que l’anche de la main gauche énonce le thème. On peut regretter que la pédale d’expression semble capricieuse (certes, la neuvième mesure doit être jouée poco più forte, mais l’ouverture de la boîte aurait sans doute gagné à se faire dans le soupir concluant la huitième mesure plutôt qu’entre les mi et sol bémol développant le motif : sans doute un oubli corrigé sur le vif !) ou que l’anche de la main gauche soit aussi disgracieusement coupée après l’Ut (le si bémol n’a pas du tout le même son que les notes plus aiguës). Malgré cela, l’on se laisse volontiers hypnotiser par

  • les effets d’écho,
  • le bariolage enserré dans les questions-réponses,
  • la variété que cèle et permet l’obstination thématique, et
  • le souci de richement colorer la partition dont témoigne Giovanni Panzeca.

Dans une prochaine notule, nous évoquerons la Pièce sur les airs flamands de Nadia Boulanger. En attendant,

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À suivre !