Fruits de la vigne – Xavier Frissant sauvignon blanc 2022

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Disponible en cave ou par Internet autour de dix euros la bouteille hors frais de port, par ex. ici., le Touraine blanc 2022 d’Isabelle et de Xavier Frissant nous est glissé par Thierry Welschinger comme un blanc fiable qui nous permettra d’arrêter d’écrire pis que pendre des blancs disponibles dans la capitale autour du début de la dizaine. Acceptons-en l’augure et testons cette proposition dont l’étiquette un peu moche (c’est quoi cette typo qui donne l’impression que le vigneron signe Sauvignon Blanc ?) nous fait aimablement grâce des codes fffatigants du marketing convenable incluant

  • nom de cuvée pseudo évocateur
    • (« Le mirobolant »,
    • « Au-delà de la phytocytose, mieux accueillir demain l’altérité.e.x »,
    • « Bleu ensemble, les filles ! »),
  • logos bio ésotériques
    • (« Haute Valeur Biologique Ajoutée »,
    • « Convient aux vegans engagés dans les ZAD »,
    • « Respecte les exigences TC-470 et XO-B 2022 de l’UE depuis 1872 ») et
  • design laissant
    • craindre d’être arrivé dans un salon d’exposition de mobilier conceptuel tendance psychédélique épuré pour fondateur de starteupe qui s’emmerde quand il ne donne pas des leçons de morale politique pro-bizenèce sur BFM Business (pour fondateur de starteupe, donc),
    • redouter d’avoir ouvert sans même y prendre garde la pochette de présentation de notre prochain anticancéreux expérimental, ou
    • espérer qu’une notice explicative est fournie avec la quille afin de ne rien rater de la profondeur métaphysique de ce, précisément, raté.

(Non, les médailles d’or de Gilbert & Collard ou whatever, c’est un autre créneau.)
La vraie robe de cette bouteille, hors étiquette, se dérobe, hahaha, froufoutant une clarté quasi diaphane, et hop. Nous apparaît

  • un or homéopathique,
  • une dilution de l’idée de jaune, voire
  • l’aquarelle d’un soleil timide qui viendrait de naître.

Le nez se désaccorde volontiers, offrant le battement désirable des choix qu’il est heureusement impossible d’arbitrer. On croit déceler

  • un côté sucré qui attise la gourmandise,
  • un côté agrume finaud qui appelle à la prompte dégustation, et peut-être aussi, plus discret,
  • un intrigant côté herbe fauchée depuis peu qui complète et enrichit ce triangle prometteur.

La bouche, elle, impose d’emblée trois sensations :

  • une fraîcheur immédiate,
  • une note d’agrume aguichante, et
  • un équilibre plaisant.

Confrontée à un poisson au four armé de ses pommes de terre (j’écris ça surtout pour m’en ressouvenir quand Sosotteur Ier de la Pensée complexe nous aura menés en guerre pour défendre le farceur consternant qui jouait du piano avec sa bite), le breuvage ajoute à ses atours minéraux une légère impression beurrée assez sobre, hohoho, pour ne pas étouffer les notes acidulées sous un ronronnement plus banal. S’il avait été invité au festin, l’heureux fripon, Édouard Glissant eût sans doute conclu :

 

Et vous avez cueilli, ainsi que druide en la forêt surnaturelle du passé,
Un midi. Et le temps et l’avenir s’y marièrent, leur note vous fut douce.
(Le Sel noir, extrait du Sang rivé [1961], Gallimard, « Poésie » [1983], 2005, p. 53)