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Photo : Bertrand Ferrier

 

Entre Carcassonne et Limoux, la famille Teisseire s’est reconstitué un domaine de onze hectares avec un assez bon relationnel pour que sa cyberprésentation soit reprise au mot près par La Dépêche du midi, dont il est vrai que

  • l’indépendance, comme dirait son concurrent,
  • l’honnêteté et
  • la déontologie journalistique

n’ont jamais été les premiers arguments de survie – d’autres quotidiens nationaux et plumitifs spécialisés dans le copier-coller de communiqué de presse ne pourraient certes se targuer d’une attitude plus digne. Voici donc la fête à l' »authentique petit nid » qui se trouve « perché sous les hauteurs », au couple de vignerons dont la femme « met sa carrière d’infirmière en parenthèse » (la faute de frappe, c’est pour faire PQR authentique, sans doute), etc. L’ensemble n’est évidemment pas stipulé comme publi-reportage ou whatever, si bien que ceux qui souhaitent aborder cette notule sous l’angle des éléments de langage peuvent commencer par la fiche officielle du domaine…

 

 

… avant de lire l’avis d’un certain « P. A. » (on pense à Pierre Palmade désormais dit Le Honni, conseillant – dans un de ces sketchs liminaires dont il avait le génie, de l’attente inquiète d’un spectateur au résumé du spectacle – un journaliste chargé de faire une bonne critique : « Et à la fin, si vous trouvez que ça fait un peu pub, vous pouvez personnaliser l’article en ajoutant vos nom et prénom »).

 

 

Devant une telle unanimité, il paraît fort prétentieux de proposer une recension d’ignorant, mais nous voilà coincé par deux problèmes, ce qui fait beaucoup :

  • d’une part, nous avons promis une notule à notre dealer du jour, Pierre-Benoît Pérard ;
  • d’autre part, nous dégustons un vin sur les avis des conseilleurs mais avant tout furetage visant à éliminer le plus grotesque de notre non-savoir.

Or, jusqu’à ce que nous cherchions à nous auto-recadrer, nous avions l’intention de reconnaître que ce mariage équitable de chenin et de chardonnay, vendu 15 € chez Mes accords mets vins, nous mettait en joie. Pour deux raisons, ce qui est moult, là aussi, en tout cas comparé à une raison : c’est bon, et l’association avec le plat prévu fonctionne super bien. (Désolé pour ceux qui ne maîtrisent pas tout l’idiolecte des quasi sommeliers, hein.) Par conséquent, voici nos impressions sur un vin IGP de la Haute vallée de l’Aude victime de la terrible malédiction du naming pupute qui inspire moins notre imagination que notre consternation.
Sous nos yeux, la robe du nectar se déploie dans un jaune

  • clair,
  • voilé et
  • délicat.

Le nez, léger sans être insaisissable, nous paraît associer, de façon complexe donc catchy, et hop,

  • côté beurré,
  • côté fruité (moins agrume qu’ananas) et
  • une pointe d’acidulé.

(C’est dire si P.A. maîtrise mieux son sujet que nous : nous n’en avons pas mis une dans la cible.)
La bouche, elle aussi, fonctionne très bien : elle nous paraît

  • directe,
  • franche,
  • étonnamment longue quoique sans

    • rondeur ronronnante,
    • fraîcheur grinçante ou
    • finasserie râpeuse.

Le combo que forme le jus avec un pavé de saumon cru accompagné d’une semoule de blé aux lentilles vertes et petits légumes séduit, semblant étoffer (sans « u ») la douceur du propos en lui donnant une perspective qui ouvre sur d’autres saveurs, façon irisation tranquille d’un clapot lacustre déconstruisant un reflet fatigant pour le recomposer avec un mix d’art et de nature. Oui-da, en termes de critique viticolistique, c’est sans doute pas super clair mais, puisque l’on a dit aux amateurs de clarté que la fiole nous parut savoureuse et pertinente, il ne nous restait plus qu’à

 

peindre en bleu le chagrin d’un citronnier ami

 

comme le proposait René Depestre alors « en état de poésie » [1980] (in : Journal d’un animal marin. Choix de poèmes. 1956-1990, Gallimard [1990], « Poésie », 2024, p. 18). Ce que nous fîmes en nous pourléchant les babines.