Fruits de la vigne – Malhòl 2022
Le nouvel épisode de notre enquête sur « que boire de correct à Paris autour de 10 € ? » ne nous entraîne pas au bout de la nuit avec les démons spécialisés dans cette affaire, mais du côté des côtes-de-gascogne. Sur le grill, un Malhòl (le mot semble signifier « jeune vigne ») 2022. Ce produit, inventé par Simon Capmartin et Guillaume Couralet, est disponible pour tout juste moins de 10 € chez NYSA et d’autres cybercavistes, bien que la fiole soit annoncée comme étant issue d’une « cuvée exclusive » de NYSA. Il est le résultat d’un assemblage de trois cépages :
- malbec pour moitié,
- merlot pour 40 %, et
- le solde en tannat.
La robe est taillée dans un tissu grenat foncé. Sa belle compacité s’éclaire d’un rouge
- presque clinique,
- net et
- lumineux.
Pas tout à fait affriolante, la chose s’annonce a minima intéressante.
Le nez est complexe à saisir. L’on croit distinguer le froissement d’une feuille de cassissier ; puis une pulsion proche de la synesthésie nous prend, et nous voici perdu entre des affaires de papilles plus que de naseaux, situant notre impression entre sucré et acidulé. De quoi activer notre curiosité !
La bouche confirme la proximité avec le cassis mais s’entortille également dans des notes de réglisse qui forment une plaisante extension à la pièce principale couverte de fruits noirs. Une certaine astringence donne à son tour une pâte plutôt heureuse à l’ensemble. Toutefois, le résultat reste trop peu présent à notre goût, même face à un plat aussi simple qu’un cordon bleu enrubanné de légumes variés. Pour nous séduire, il manque
- de la tonicité,
- de l’affirmation, peut-être
- de l’ambition gustative.
Avec 12,5°, la quille semble plutôt pensée pour des amateurs de vin « pas trop fort », dont l’accompagnement
- discret,
- sans chichi,
- murmuré mezza voce,
serait la tâche principale. Sans doute ne sommes-nous pas assez amateur de « vins de copain » et de « jus de convivialité » pour être pleinement embarqué dans le projet de cette cuvée. Que diable ! Comme l’écrivait Paul Valéry de la mer, quand l’heure de la dégustation a sonné,
Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! (…) [et que] la vague en poudre ose jaillir des rocs !
(In : Le Cimetière marin [1929], cité in : Mon beau navire, ô ma mémoire. Un siècle de poésie française. Gallimard, 1911-2011, Gallimard, « Poésie », 2011, p. 199)
Baste, si Dieu nous prête vie ou réciproquement, nous quêterons ailleurs nos points d’exclamation.