Fruits de la vigne – Les Champs Vignons, cuvée des chérubins 2021
Pour poursuivre notre enquête sur les vins que l’on peut boire à Paris pour environ 10 €, voici un produit par un gros négociant en vins de Loire, Albert Besombes-Moc-Baril. Avec 80 000 quilles à l’année, ce vin a latitude d’affronter ses concurrents en supermarché et s’inscrit dans la lignée des vins de Chinon communs dont les tables parisiennes de base se parent souvent faute de mieux pour un prix raisonnable.
La robe est trouble. Elle hésite entre griotte intense et cerise au sirop. Peu définissable, elle substitue l’éclectisme à la compacité – ce qui ne manque pas de titiller la curiosité des, eh bien, curieux, faute d’affoler d’emblée la gourmandise des, eh bien, en effet, gourmands.
Le nez est très discret. Dans sa modestie, il laisse toutefois imaginer quelques notes de café ou d’épices, comme un discret brouhaha désamorçant l’inquiétude que suscite parfois – à tort – le silence.
La bouche attaque avec une franchise percutante, presque même explosive. Frôlant l’agressivité, elle offre un tourbillon de sensations allant de l’amertume à l’astringence en frisottant les moustaches d’une certaine verdeur. Indifférent au plat qu’il accompagne, ce vin préfère la simplicité de l’immédiat à la rondeur ronronnante.
En somme, un jus franc du collier qui refuse toute séduction enrubannée pour faire profiter les amateurs d’une bonne franquette rugueuse. Notons toutefois que la cuvée 2017 du même négociant est jugée par certains critiques éminents comme « un vin très réussi ». Il va de soi, donc il va mieux en le rappelant, que les conseils et déconseils publiés dans cette série, s’ils se veulent objectifs au sens où ils reflètent le ressenti de l’auteur, restent résolument subjectifs, au sens où la science œnologique nous échappe presque autant que, disons, la géométrie dans l’espace ou la beauté gustative d’un salsifis. Au passage, franchement, si Dieu existe puisque l’éléphant est irréfutable, pourquoi le salsifis ?