Fruits de la vigne – L’angelique 2023 du domaine Metrat
Faute d’être référencé parmi les vins listés sur le site officiel du domaine, ce beaujolais gardera une partie de son mystère : pourquoi un tel branding ? et, surtout, question éminemment essentielle en œnologie appliquée aux étiquettes, où diable est passé l’accent de « L’Angelique » ? Sera-ce que la police – de caractère, voyons – ne l’autorisait point, comme pourrait le laisser supputer ce que nous avons découvert et que nous révélons en exclusivité (ô, teasing, quand nous tiens !) dans la conclusion mercantile de cette notule ? Quel sens accorder à cette marque et à sa spécificité – ou, devrait-on dire, à sa specificite ?
Notons qu’il n’y a pas moins de suspense sur l’appellation d’IGP comtés rhodaniens, laquelle, apprend-on, est assez généreuse pour s’étendre sur neuf départements et même s’appliquer, « après dégustation », à des appellations moins connues en quête d’une étiquette plus bankable ou, a minima, mieux référencée. En revanche, comme qu’on dit dans le franglais qu’il sent bon le spécialiste de l’expertise, le thrill sur le domaine Metrat lui-même est moindre. Célébré pour ses Fleurie, « à la limite des Moulin-à-vent » précise le vigneron, il revendique une pratique « raisonnée », id est pas bio mais limitant les intrants chimiques grâce, notamment, au recours au purin de prèles, d’orties et de consoudes. Quel résultat cette bonne impulsion donne-t-elle à la cuvée 2023 de son chardonnay ?
La robe, affriolante, arbore un jaune délicat. Elle nous apparaît
- unie,
- claire et
- lumineuse.
Le nez assume crânement – oui, porté par une bonne vieille licence poétique des familles, un nez peut assumer crânement alors qu’il peine en général à assommer en tapant sur le crâne – son rôle de mise en appétit. Il allie des caractéristiques qui, c’est curieux, dépasse le champ de l’odorat. Il
- évoque la fraîcheur de l’agrume,
- laisse deviner un équilibre tranquille et
- suggère la gourmandise de l’amertume.
La bouche confirme sans coup férir la singularité du jus. Selon nos papilles, elle associe
- le charme du beurré,
- la pétillance d’une pointe citronnée et
- la chaleur confortable d’un vin bien construit.
Bref, que les dalle-en-pente qui tentent néanmoins de se respecter ne se laissent point effrayer par les deux caractéristiques principales du flacon. Certes, les vins du domaine Metrat sont des beaujolais, mais ils n’émargent pas dans la catégorie des produits sans vergogne chéris (de moins en moins, alléluia !) par
- les Asiatiques,
- les buveurs à prétexte et
- les individus souhaitant se la jouer à la fois bobos et canaille en sirotant, enveloppés par le brouhaha réconfortant d’un troquet « resté dans son jus » un millésime frais, plus framboise que banane cette année, un béret DeLuxe posé sur le crâne et un sourire entre tindérique et instagramable aux lèvres.
Certes itou, le chardonnay est un cépage synonyme, dans la grande distribution, de rince-glotte passe-partout, assez écœurant parfois pour faire préférer un vin rouge léger au moment de déguster un plat à blanc. Loin de ces deux grands topoi qui ne relèvent pas toujours de la caricature, hélas, le vin de Bernard Metrat s’avance avec
- cohérence,
- savoir-faire et
- personnalité.
À noter que le domaine commercialise « L’angélique » avec un accent, shocking! Voilà qui confirmerait le problème de police subodoré en introduction… Prix, accent compris : 9 € la bouteille plus frais de port. Les Parisiens peuvent, eux, s’approvisionner chez notre dealer contre 13,5 € la quille qui, comme l’écrivait Stéphane Mallarmé au couple Manet, en 1888, « met gentiment aux camélias des perruques » (« Dédicaces, autographes et envois divers » in : Poésies, Gallimard, « Poésie », 1945, rééd. 1970, p. 137). Comme quoi, le monde en général et le langage en particulier sont souvent mystérieux – la faute, notamment, à
- ses accents,
- ses fleurs et
- ses nectars.