Fruits de la vigne – La fleur Saint Georges 2018

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Photo : Bertrand Ferrier

 

  • Merlot (surtout),
  • cabernet franc et
  • cabernet sauvignon

sont au programme de ce cru peu mis en valeur par le producteur (la quille n’est seulement pas référencée sur le site du domaine), le château La fleur de Boüard, une énième propriété concédée à de riches hommes d’affaires ayant de préférence fait fortune dans la finance luxembourgeoise. Ainsi va la vie des domaines affublés d’appellations ronflantes comme « lalande de pomerol ».
La robe de l’édition 2018 déploie une teinture évoquant la cerise confite. Cette tenture est tentée par le sombre mais préfère le drapé moiré du velours. On ne peut qu’être attiré par la déclinaison de rouges puissants qui se lient et se lisent dans le verre.
Le nez séduit. Il dégage d’emblée fraîcheur et complexité. Le caractériser ressortit donc d’un joyeux défi. L’on pourra estimer qu’il décline tour à tour les frémissements du sous-bois et l’acidulé d’un cassis bientôt mûr.
La bouche n’est hélas pas à la hauteur de ces promesses. Elle semble oppressée par une saveur sucrée effaçant beaucoup sous son passage. Il traîne çà une esquisse de fruit mais difficile de déterminer lequel, et un vague souvenir de café comme abandonné au bord d’un zinc au moment où s’approchent, sourire carnassier aux lèvres, de fiers agents dégainant leur carnet à souche pour verbaliser, à l’ancienne, notre brave chignole ayant dépassé d’une minute son droit d’envahir l’espace public jouxtant la bordure du trottoir. En écho à cette hypothèse amère, la note finale est moins un goût qu’une sensation proche de l’astringence.
Le mariage avec un brave plat de pâtes à la bolognaise rend néanmoins le breuvage plus acceptable en le prenant par le bras afin de le transformer en acolyte de bon aloi. Pour près de 19 € aux Galeries Lafayette du boulevard Haussmann (des offres à 17 € hors frais de port circulent sur la Toile), cela reste, à notre aune, un produit décevant. En ouvrant cette bouteille, nous avons, selon l’expression de Louise Glück,

 

planté un figuier
ici, dans le Vermont, pays
sans été. C’était un test : si l’arbre poussait,
alors cela voudrait dire que tu existais.
D’après cette logique, tu n’existes pas.
(Louise Glück, L’Iris sauvage… [1992], trad. Marie Olivier [2021], Gallimard, « Poésie », 2024, p. 97.)

 

Pas de quoi nous décourager. Nous planterons d’autres figuiers dans d’autres Vermont pendant d’autres étés, et nous attendrons, bouteille après bouteille, d’inventer l’inexistante logique de l’existence.