Fruits de la vigne – Instinctive (L’Affût)

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Photo : Rozenn Douerin

 

Parfois, suite à une demande spéciale ou à une inspiration qui lui est propre, le dealer de vins se faufile dans le labyrinthe de sa réserve et en revient une quille à la main et des pétillements dans les yeux. Sans hésiter, il affirme : « Ça, tu vas aimer. » Ce jour-là, « ça », c’est un Touraine inventé en Sologne par Isabelle Pingault, étiqueté avec soin et, c’est l’usage dans tant de vignobles, namé plus que nommé « Instinctive ». La raison :

 

Quand on devient jeune vigneronne, sans transmission familiale, et qu’on réalise son premier millésime, la seule chose à laquelle on peut se fier, c’est son instinct.

 

Un instinct bien tempéré par des études d’agronomie et d’œnologie, mais un instinct quand même, qui asseoit ce vin de France – appellation jadis infamante, aujourd’hui revendiquée par des vignerons cherchant à créer leur jus quitte à déroger aux règles des appellations locales – sur environ

  • 90 % de sauvignon blanc,
  • 5 % de chenin et
  • 5 % de menu pineau

(la recette originelle introduisait, elle, du chardonnay, lequel a disparu dans la cuvée proposée à notre dégustation si l’on en juge à l’étiquette de dos). La robe est

  • unie,
  • presque diaphane,
  • à peine éclairée par une teinte d’or modestement diluée.

Le nez

  • est discret,
  • diffuse une fraîcheur agrumée et
  • préfère la finesse à l’outrecuidance.

La bouche déploie

  • une douceur ronde,
  • une souplesse élégante et
  • une amertume bienvenue

avant de se stabiliser autour d’une finale résolument pamplemousse, à en croire nos papilles et naseaux de non-spécialiste. Le mariage avec une choucroute est particulièrement séduisant : le calme du chou, oscillant entre sucré satisfaisant et acidulé stimulant, renforce l’intrigante amertume du vin sans lui ôter sa rondeur joliment construite.
Il paraît que les quilles de la même appellation voire du vignoble tout entier risquent de se faire rares jusqu’à disparaître dans les mois ou les années à venir. Ce serait fort dommage, vu l’instinct de leur fomentrice. Moi, la dernière fois que j’ai eu de l’instinct, c’est quand je me suis réveillé en me disant : « Je suis sûr qu’il est 8 h 37 » et que, en effet, il était 8 h 37. Il faut croire que, dans la vie, certains ont l’instinct aromatique, d’autres l’instinct 8 h 37. Maudit sois-je d’avoir hérité du second !