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Photo : Bertrand Ferrier

 

À ce qui se fredonne, derrière chez moi, y a-t-un étang, où le fils du roi s’en va chassant. Derrière les vignes de Michèle Aubery Laurent, y a-t-un viticulteur qui, depuis 18 ans, fournit après vendange une partie de ses raisins à Maxime-François Laurent, le fils de la vigneronne, négociant qui revendique de travailler à partir d’un vignoble « cultivé sans chimie, dans le respect du vivant », avec néanmoins un sulfitage post-fermentation réputé indispensable. Parmi ses créations markettées avec soin, une bouteille d’« Il fait soif » 2021 se retrouve sur notre table. Issu de jeunes vignes, le jus associe 70 % de grenache à 20 % de syrah et 10 % de cinsault (même si certains sites l’annoncent uniquement grenache en monocépage).
Sa robe est encore

  • plus compacte que dense,
  • plus sombre que sanguine, mais également
  • davantage parcourue d’éclats de morelles que confite dans une obscurité rabat-joie.

Son nez se mérite. Il tire de cette discrétion

  • une légèreté agréablement frivole,
  • une oscillation de possibles (cassis ? groseille ? quelles épices ?) joyeusement mystérieuse, et
  • une tendance plutôt conviviale dont émerge curieusement une idée de sucré – laquelle, évoquant une saveur, ne ressortit pourtant de l’olfactif que par association.

Côté bouche, d’inquiétants signes d’astringence et des pétillements font froncer les sourcils dans une première approche. C’est sans doute signe que la bouteille, même si elle aspire explicitement au statut de « vin de convivialité » plus qu’au statut de grand cru, eût dû être ouverte plus tôt. Petit à petit, ses qualités se dévoilent.

  • On retrouve la légèreté du nez, avec des notes épicées, entre cannelle et poivre, qui arrivent a posteriori dans le pif ;
  • on salue le concentré de fruits rouges moins compotés que densifiés à maturité ; et
  • l’on apprécie cette étrange petite note d’agrume qui, à bien y goûter, paraît pointer le bout de sa surprise sur le bout de la langue.

Le mariage avec une pizza tomatée est une bonne surprise car le plat léger fait ressortir une douce amertume qui pimpe joliment le breuvage. Son prix de 16 € constaté aux Galeries Lafayette de Paris et sur des boutiques digitales peut paraître un chouïa surcoté – preuve que, avec constance,

 

nous nous heurtons à ce qui est.
Nous appelons cela connaître.
Nous allons à nos fins sans savoir avec zèle.
Nous appelons notre folie savoir.
Nous pensons en cela échapper.
(Jean-Paul Michel, « Nos ennemis dessinent notre visage » [1997-1998], in : Défends-toi, Beauté violente…, Gallimard, « Poésie », 2019, p. 311)

 

Mais à quoi peut-on échapper quand il fait soif ?