Fruits de la vigne – Domaine Striffling, « Le chardo de Guigui » 2023

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Entre Beaujolais-Village et « vin de France à cépage », la carte des blancs du domaine Striffling ne nous est pas tout à fait inconnue : nous avions testé tantôt un chardonnay alors appelé « Les voleurs », du nom de la parcelle. Cette fois, notre dealer préféré nous oriente sur

  • un chardonnay, toujours,
  • by Guillaume Striffling, toujours aussi, mais
  • marketté avec
    • soin,
    • astuce et
    • une certaine élégance

comme « le chardo de Guigui », cuvée 2023 – le vin n’est pas référencé sur le site au jour de notre consultation. Guigui désigne bien le vigneron et non l’héroïne du tube triste écrit par Michel Jonasz en 1978 et porté par le piano de Gabriel Yared, la preuve : c’est Georges Brassens qui est invoqué sur l’étiquette… puisque

 

c’est l’un’ des pires perversions qui soit
que de garder du vin béni par-devers soi.

 

L’enthousiasme avec lequel la quille nous est vendue nous laisse peu de doute sur la qualité du jus mais nous met un coup de pression? Notre appréciation sera-t-elle à la hauteur des louanges tressées par le receleur ?
Dans le verre, la robe apparaît

  • claire,
  • presque cristalline (pas comme le jaja de Guy Roux cependant) et
  • très légèrement dorée.

À l’œil, quoique cette remarque n’ait rien de gratuit (je sais, mais ça passait en répétition, alors, je l’ai gardée), il y a

  • de la finesse dans la couleur,
  • de la discrétion dans le liquide, et
  • de la modestie confinant presque à la coquetterie.

Le nez est

  • délicat,
  • comme saupoudré d’une pincée d’herbes aromatiques, et
  • dégageant une nette prédominance de fraise.

Oui, de fraise. Même moi, j’ai trouvé ça curieux, mais j’assume, je signe et je le remets : de fraise, une prédominance de fraise. Vous pouvez appeler l’HP, faites-vous plaise, en plus, ça rime, moi, je m’en fiche, je maintiens avoir détecté une prédominance de fraise. Partant, n’insistez pas, vous ne me ferez pas changer une virgule dans cette conviction de prédominance de fraise que je ponctue d’un point bar(re).
Non mais, c’est dingue, ça ! Bien, et maintenant, si les contradicteurs et les moqueurs se sont tus, je poursuis.
La bouche est à la fois

  • compacte et fraîche (pas fraise, cette fois-ci : fraîche),
  • claire et insouciante,
  • précise et – on y revient, rassurez-vous – marquée par cette idée de fraise qui, plutôt que de se prolonger en bouche, vient grattouiller l’intérieur de nos naseaux avec originalité.

(Je précise que les notes de dégustation sont prises lors des premiers contacts avec les produits. L’alcool – 12° présentement – ne joue donc aucun rôle sur les phrases ici rassemblées. C’est peut-être encore plus inquiétant, mais c’est ainsi.)
Le mariage avec un poulet

  • à la crème,
  • au thym et
  • au laurier,

servi avec, bien sûr, des patates sachant être autant fermes que fondantes, réussit au vin, dont l’absence de rugosité accompagne le plat sans chercher à le chicoter. Point de fight entre les saveurs et les odeurs de l’un et de l’autre. Entre mets et vin règne plutôt une sorte d’entente

  • cordiale,
  • aguicheuse et même
  • réconfortante

telle « une neige recouverte de neige », selon l’expression d’Hélène Dorion décrivant

 

une ville entre ciel et terre (…) comme un drap soulevé, une neige recouverte de neige (Un visage appuyé contre le monde et autres poèmes, Gallimard, « Poésie », 2025, p. 167).

 

J’en conviens, parler de neige après avoir utilisé le mot dealer risque de déclencher une descente de képis dans l’échoppe de Thierry Welschinger, mais j’aurai fait ce que j’ai pu pour ne pas rouler le susnommé caviste dans la farine. Bref, on peut laisser courir le bruit comme une traînée de poudre blanche, « le chardo de Guigui », « ça ravigote, ça ragaillardit », selon la formule de Jean Dubois, parce que, comme nous disons, nous autres œnologues spécialistes et experts, voire spécialistes de notre expertise et réciproquement, c’est bon.