Fruits de la vigne – Domaine Grieco, « L’histoire continue… »

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Voici le carignan chouchou de France Inter – station qui, le 31 décembre 2023, a ordonné à ses auditeurs d’aimer cette quille, comme elle aurait pu les sommer d’aller voir Isabelle Huppert caresser un radiateur ou de réécouter tout Grand corps malade pour jouir

  • de la beauté des mélodies (gasp, j’avais écrit « des maladies »), où le beatmaking des samples ose une espèce de vérité que la voix fait éclore à elle-même grâce à des feat. d’une élégance poignante,
  • de la langue ciselée et jubilatoire, à quart-chemin entre
    • Jean MC Gabin,
    • MC Solaar,
    • Alain Robbe-Grillet jeune et
    • Abd-el-Malik vieux, ainsi que
  • d’une vision de la femme si juste et réconfortante dans notre époque
    • genrée binaire,
    • ultra misogyne et
    • désespérément androcentrée.

Nous avions dégusté ce tout tantôt le « Début d’une histoire… » qui méritait confirmation. Nous revoici donc chez Jérôme Grieco pour suçoter un vin de France 2020 cultivé en terre de côtes-du-Rhône, toujours sur les conseils de Thierry Welschinger et de son trublion d’associé.
La robe est rouge clair en périphérie. Dans l’œil du gouffre, le liquide se laisse happer par la densité de l’obscur mais la clarté lutte, de sorte que l’uniformité du philtre se défile. Ainsi qu’il sait l’être souvent, le trouble est aguichant.
Le nez n’est pas sculpté pour

  • les sveltes trentenaires qui coupent leur cidre à l’eau,
  • les amateurs de tofu vegan décarboné titulaires d’un abonnement à la salle de technosport où Abdel donne des cours de parkour très croquignolesques même s’il faut s’accrocher, ou
  • les mémères qui se prennent pour une intouchable diva parce qu’elles ont teint en rouge violet la vieille choucroute moisie qui leur sert de couvre-crâne et en ont déduit que le monde, fasciné par leur crinière ridicule, leur appartenait.

Non, le truc est animal. Il jette dans le tarin des espèces d’épaisses épices (attendez, la fête ne fait que commencer). Y danse une densité d’ensemble (non, non, c’est pas fini) tirant sur le cuir pas queer – voilà, tout s’est bien passé. Loin des vins qui s’excusent de meubler l’espace ménagé entre le reluquage et le sirotage, « L’histoire continue… » assume d’exister avec sa personnalité qui n’exclut pas des échos sensibles évoquant les harmoniques des notes bleues

  • (fruits rouges,
  • fragrance florale type lys,
  • reste de boiserie dans un habitacle clos).

Celui à qui ce tableau odorant ne donne pas envie de goûter a bien raison : ça en fera plus pour les autres.
La bouche saisit par son équilibre immédiat et évolutif.

  • La griotte semble s’approprier les papilles ;
  • pourtant, progressivement, une saveur s’approchant du pain d’épice
    • avale le noyau,
    • digère le fruit et
    • propose sa propre variation autour d’un fruit rouge inconnu ;
  • une finale étrangement boisée pour un vin élevé loin des fûts arborés se pare d’une astringence persistante.

Là encore, curieusement, celle-ci renforce la sapidité de l’histoire et semble donner au jus

  • un relief agréablement gravillonné sur lequel on prend plaisir à déraper,
  • une consistance sérieuse contre laquelle on se heurte, joyeux, et
  • une forme de résistance à l’oubli immédiat que l’on aimerait parfois adopter pour soi-même.

Si l’on ne cherche point un vin qui parle avec des accents circonflexes à des convives serrés dans la gaine de leur élégance de banquier privé pour notables de province, « L’histoire continue… » constitue une belle réussite à préempter en cave autour de 15-16 € (prix constaté).